Rémunérer les amateurs pour valoriser les externalités positives

Rémunérer les amateurs pour valoriser les externalités positives

Il y a quelques jours, Rue89 a publié un entretien avec Bernard Stiegler, directeur de l’IRI (Institut de Recherche et d’Innovation), intitulé « Nous entrons dans l’ère du travail contributif« . Ce texte est particulièrement intéressant dans la manière dont il jette des ponts entre les transformations du monde du travail, sous l’effet du développement des pratiques collaboratives ; le modèle de l’Open Source et des logiciels libres appliqués à d’autres secteurs de l’économie ; la place croissante des travailleurs indépendants et le rôle concomitant des espaces de co-working et d’innovation (FabLabs, HackerSpaces, etc) ou encore la mutation des simples consommateurs en contributeurs actifs.

bees. Par Kokogiak. CC-BY. Source : Flickr.

L’interview contient un passage particulièrement intéressant concernant la place des amateurs dans cette nouvelle économie du travail contributif et l’idée qu’il conviendrait de les rémunérer :

C’est le règne des amateurs ?

Oui. Le contributeur de demain n’est pas un bricoleur du dimanche. C’est un amateur, au vieux sens du terme. C’est quelqu’un qui est d’abord motivé par ses centres d’intérêt plutôt que par des raisons économiques.

Il peut d’ailleurs développer une expertise plus grande que ceux qui sont motivés par des raisons économiques.

C’est un changement radical, comment le mettre en œuvre ?

C’est un nouveau modèle du travail. Je parle de « déprolétarisation ». On n’apporte pas seulement sa force de travail, mais du savoir. C’est une plus-value énorme.

[…]

Mais ces contributeurs, faut-il les rémunérer ? Si oui, comment ?

Oui, il faut les rémunérer. Je ne dirais pas exactement qu’il faut rémunérer les amateurs sur le modèle des intermittents, mais qu’il y a des solutions dont celle-ci.

Concernant le montant de la rémunération, il pourrait y avoir une formule avec une part salariale et une part sous la forme d’un intéressement contributif. On peut imaginer des trucs comme ça. Tout cela relève d’une valorisation de ce que l’on appelle les externalités positives.

Et Bernard Stiegler plus loin de conclure :

Nous vivons actuellement dans une phase de transition, où tout l’enjeu est, en France, pour le gouvernement actuel, d’arriver à dessiner un chemin critique pour notre société : un chemin où l’on invente une véritable croissance fondée sur le développement des savoirs, et où l’on dépasse le modèle consumériste.

Cette proposition de rémunération des amateurs rejoint plusieurs de mes préoccupations centrales et notamment mon intérêt pour le modèle de la contribution créative, développé par Philippe Aigrain et intégré dans les « Éléments pour une réforme du droit d’auteur et des politiques culturelles liées » de la Quadrature du Net.

Ouvrir et transformer les entreprises

Bernard Stiegler mélange à mon sens deux choses différentes dans ses propos. Des travailleurs contributeurs participants à l’activité d’une entreprise et des individus contributeurs créant en ligne des contenus assimilables à des oeuvres de l’esprit au sens de la propriété intellectuelle. La séparation entre les deux peut être assez poreuse, dans nos sociétés où nous devenons de plus en plus des travailleurs « intellectuels » (c’est chose flagrante dans le secteur du logiciel). Mais des circuits différenciés de rémunération peuvent être envisagés.

Bees. Par cipovic. CC-BY-NC-ND. Source : Flickr.

Bernard Stiegler écarte, à juste titre, le modèle des intermittents du spectacle pour rémunérer les amateurs-contributeurs. Ce mode de financement, assimilable à une forme de « fonctionnarisation » des créateurs traverse une crise profonde et il paraît difficile en ces temps de crise budgétaire de l’Etat d’étendre le système aux amateurs.

Pour ce qui est du travail collaboratif en entreprise, j’avais pris l’exemple dans un précédent billet de l’entreprise canadienne Sensorica, qui fonctionne déjà de manière décentralisée et ouverte sur la base de contributions :

SENSORICA n’a pas d’employés, mais des contributeurs, qui peuvent apporter selon leurs possibilités de leur temps, de leurs compétences ou de leur argent. Pour rétribuer financièrement les participants, la start-up utilise un système particulier qu’elle a créé et mis en place, dit Open Value Network.

Ce système consiste en une plateforme qui permet de garder trace desdifférentes contributions réalisées par les participants aux projets de SENSORICA. Un dispositif de notation permet aux pairs d’évaluer les contributions de chacun de manière à leur attribuer une certaine valeur. Cette valeur ajoutée des contributions confère à chacun un score et lorsqu’une réalisation de SENSORICA atteint le marché et génère des revenus, ceux-ci sont répartis entre les membres en fonction de ces évaluations.

Cela va donc plus loin que ce que Bernard Stiegler envisage (rémunération via une part salariale et une part sous la forme d’un intéressement contributif), parce que la propriété même de l’entreprise est partagée, ce qui en fait un bien commun à part entière. A ce sujet, il faut lire les vues de Michel Bauwens sur la Peer-to-Peer Economy et l’émergence de nouvelles structures de production, basées sur la « coopération radicale » et la gestion en commun des ressources. On rejoint aussi le concept d’ »économie de la pollinisation » développé par Yann Moulier-Boutang.

Rémunérer les créateurs en ligne

Mais il est clair qu’une large part du « travail contributif » dont parle Bernard Stiegler ne s’exerce pas aujourd’hui dans le cadre d’entreprises, mais est effectué par les individus sur leur temps « libre », par le biais de la création et de la mise en ligne de contenus assimilables à des oeuvres de l’esprit, qu’il s’agisse de textes, de photos, de vidéos, etc. Cette création s’effectue de manière décentralisée, à partir des sites personnels des individus ou via des plateformes de partage de contenus, type YouTube ou Facebook, exercant un puissant effet de recentralisation.

Le poids de ces « User Generated Content » dans la valeur globale d’Internet est énorme, mais il est globalement rejeté dans l’ombre dans la mesure où ils sont essentiellement produit pas des amateurs, alors que les schémas mentaux traditionnels n’accordent de valeur aux contenus culturels que s’ils sont produits par des professionnels. Il est à ce sujet assez inquiétant de voir que la Commission européenne vient de lancer des travaux sur les User Generated Content, sur des bases complètement biaisées qui ne peuvent que maintenir cette césure artificielle entre les contenus amateurs et professionnels.

C’est le grand mérite des « Éléments pour la réforme du droit d’auteur et des politiques culturelles liées » de dépasser la distinction professionnels/amateurs et d’envisager rémunérer également rémunérer ces derniers pour les « récompenser » d’avoir posté des contenus en ligne.

Cette rémunération passerait par des systèmes de financement mutualisés qui pourraient prendre trois formes :

  • La mutualisation coopérative volontaire : ce sont les systèmes de crowdfunding que nous connaissons déjà, de type KickStarter, Ulule, KissKissBankBank, qui commencent déjà à produire des effets importants pour la production des contenus en dehors des circuits traditionnels ;
  • La mutualisation organisée par la loi : il s’agit là de la contribution créative, qui consiste à prélever un surcoût sur les abonnements internet des foyers connectés pour rémunérer les contenus en fonction de leur taux de partage en ligne. Elle s’accompagne d’une légalisation du partage non-marchand et présente pour principale différence par rapport à des propositions de type licence globale de s’appliquer aussi bien aux contenus culturels produits par des professionnels qu’à ceux créés par des amateurs. Toute personne postant volontairement des contenus en ligne pourrait prétendre en toucher une part.
  • Le revenu de base (ou revenue de vie, revenu d’existence, etc) : consistant à accorder à tous les citoyens un revenu inconditionnel durant toute leur existence sans contrepartie. C’est sans doute la mesure qui prendrait le mieux en compte l’émergence de cette nouvelle économie de la contribution et la nécessité de valoriser ces externalités positives que nous sommes tous amenés à générer.

A bee at work. Par Andreas. CC-BY-SA. Source : Flickr.

Faire évoluer la conception de la valeur

Lors de notre audition par la mission Lescure en septembre dernier pour le collectif SavoirsCom1, nous avions beaucoup insisté, Silvère Mercier et moi, sur la nécessité de prendre en compte les productions amateurs dans la problématique du financement de la création. Ce que nous avions dit, c’est que dans une économie de l’abondance, le fait de ne pas reconnaître de valeur aux contenus produits par les amateurs conduit à ce que cette valeur soit captée par des plateformes de type YouTube, Facebook ou autre, qui se les « approprient » par le biais de leurs conditions générales d’utilisation (CGU). C’est devenu une source majeure de monétisation et une affaire comme celle qui a frappé Instagram récemment a montré toutes les tensions que pouvaient générer ce bras de fer pour l’appropriation des contenus amateurs.

D’autres évènements survenus récemment n’ont fait que confirmer l’importance de faire sortir les contenus amateurs de l’angle mort dans lequel ils sont encore plongés. L’affaire de la Lex Google a été particulièrement emblématique de ce point de vue. L’enjeu pour la presse française dans ce dossier n’était pas seulement économique ; il était aussi d’ordre symbolique. Il s’agissait pour ces professionnels issus de l’univers du papier de conforter leur statut vis-à-vis de nouveaux entrants comme les pure player de l’information. De ce point de vue, l’accord signé entre la presse et Google les conforte majoritairement dans cette « légitimité ».

Mais il existait un enjeu plus large, qui aurait pu consister justement à faire apparaître la valeur des contenus produits par les blogueurs-amateurs et leur rôle dans la diffusion de l’information en ligne. J’avais de ce point de vue avancé, qu’aussi bien pour les professionnels que les amateurs, une solution de type contribution créative aurait été largement préférable à ce financement de la part de Google, qui renforce encore la main mise du moteur de recherche sur l’écosystème de l’information en ligne.

Bluetouff sur son blog va encore plus loin et estime que si Google paye la presse française, alors la presse devrait également payer les internautes, car eux aussi donnent de la valeur aux articles en les partageant !

Et si la presse rémunérait sa vraie source de valeur… comme Google le fait pour elle ?

Google n’est pas le seul à générer du trafic. Les internautes qui partagent des informations sur Facebook et sur Twitter … voilà l’origine première de la valeur des sites des presse aujourd’hui, car ce sont eux qui permettent à la presse d’accroitre le plus considérablement leurs revenus publicitaires. Est-ce pour autant que la presse va décider de reverser une partie de ses revenu publicitaires aux internautes qui partagent le plus leur information ? Ceci serait pourtant légitime…

On en arrive alors à l’idée d’un « travail invisible », accompli par les internaites et c’est une des notions-clé du récent rapport Colin & Collin sur la fiscalité du numérique. Ce rapport contient en effet en filigrane l’idée que les individus, par les données qu’ils produisent du fait de leurs activités sur Internet, accomplissent un « travail gratuit », source de valeur, qui devrait être pris en compte dans le régime fiscal des géants du web que sont des entreprises comme Google, Amazon, Facebook ou Apple. L’idée concomitante d’un taxe sur l’exploitation des données personnelles me paraissait aussi intéressante, malgré ses difficultés d’application concrète. Je lui reprocherai surtout de ne pas faire suffisamment la distinction entre les simples données produites par les individus (données personnelles) et les contenus assimilables à des oeuvres, qui ne sont pas à mon sens à ranger dans la même catégorie.

Mais le rapport Colin & Collin repose sur une philosophie qui ne me paraît pas si éloignée de celle qui est à l’oeuvre dans la contribution créative, à savoir la nécessité de reconnaître la valeur de la contribution des myriades d’amateurs dans le système de l’économie numérique et celle de peser pour éviter une trop grande centralisation des échanges sur des plateformes qui finissent par capter l’essentiel de la valeur produite.

Cette valeur, il est juste qu’elle revienne sous une forme ou une autre aux individus qui ont contribué à la faire émerger. Le détour par la fiscalité ferait qu’une partie de cette valeur serait redirigée vers l’Etat. Mais la mise en place de financements mutualisés aboutirait à un retour plus direct de la valeur vers les individus qui l’ont créée. Les deux formules ne sont cependant pas nécessairement à opposer, mais elles peuvent jouer un rôle complémentaire de rééquilibrage du système.

Contrairement à ce que l’on pense trop souvent, la contribution créative n’est pas seulement une réponse apportée au problème du piratage des oeuvres. Elle vise également à faire évoluer le système économique global lui faire prendre en compte les caractéristiques essentielles de la révolution numérique et en premier lieu, l’explosion du nombre de créateurs et « l’empowerment » culturel qui en résulte. « Développer une véritable croissance liée aux développements des savoirs » comme l’appelle Bernard Stiegler de ses voeux, nécessite de mettre en capacité les individus de s’investir dans les pratiques créatives et cela passe par une forme de rémunération des amateurs.

Les propositions de Bernard Stiegler sont stimulantes, mais ce qui leur manque peut-être, c’est de s’appuyer sur la théorie des biens communs, qui paraît mieux à même de lier tous ces éléments en un tout cohérent.

>>> Source sur : http://scinfolex.wordpress.com/2013/02/06/remunerer-les-amateurs-pour-valoriser-les-externalites-positives/

>>> Auteur

4/04 Democracy not found

4/04 Democracy not found

Le 4 avril, prenez la parole. Le fonctionnement de nos démocraties vous déçoit ? Vous souhaitez être mieux représenté ? écouté ? Vous aimeriez même pouvoir participer, prendre parole de temps en temps ?

Alors le 4 avril, participez à la fête de la démocratie qui nous manque.

Dans votre ville

Exprimez cette démocratie en interpellant les citoyens sur les différents modes d’expression démocratique et sur leur connaissance de la démocratie. Quels sont les noms de vos élus ? Les contactez-vous ? Savez-vous ce qu’ils font ?

En dehors du cadre électif, quelles actions menez-vous pour rendre votre vie et celle de votre entourage plus agréables ?

Des actions seront entreprises dans les rues de Rennes et Paris.

Sur internet

Communiquez sur twitter avec le hashtag #404dnf, publiez vos avis sur la démocratie qui manque sur notre site, mettez en place une page blackout (à venir), …

Nous rejoindre ?

Vous voulez promouvoir votre initiative et vos actions sur notre site ou avec nous lors de cette journée, contactez-nous : c’est libre !

>>> Source : http://www.404democracynotfound.org/

>>> Licence : Creative Commons Paternité 3.0 Non-portée

Un nouveau mode de vie pour le 21ème siècle

Un nouveau mode de vie pour le 21ème siècle

Garantir  le revenu de base, c’est donner à l’individu une nouvelle liberté pour développer ses multiples talents. C’est lui donner le pouvoir et l’initiative et mettre en place un nouveau mode de vie pour le 21ème siècle.

5544254652_025ab19132

Actuellement, le chômeur est jugé parce qu’il ne travaille pas ; celui qui a du travail est de plus en plus considéré comme un privilégié et le pensionné est regardé, soit comme quelqu’un qui a été rejeté trop tôt par la société, soit comme celui qui est enfin libre. Dans tous les cas de figure, le dénominateur commun est la liberté ou son absence.

Manque de reconnaissance et de liberté

Le choix est l’enchanteur de la créativité, mais cette dernière est conditionnée par un revenu qui amène certaines personnes à des compromissions pour sauvegarder le lendemain. On peut alors se demander ce qui subsiste de la liberté et de la faculté de pouvoir se réaliser dans son travail.

Parce qu’il doit garantir sa survie et son niveau de vie, l’individu est contraint à s’adapter sans pour autant trouver les moyens de se projeter avec plaisir dans cette activité qu’il doit subir.

Or, l’homme est heureux lorsqu’il croit qu’il peut entreprendre et par là se sentir reconnu et utile pour produire, pour gérer la cohérence socio-économique par une action politique, pour échanger et promouvoir le culturel, pour développer de multiples activités familiales et de loisirs.

Ainsi, l’individu se réalise à travers une gamme d’occupations. L’être humain n’est pas en manque d’activités mais bien en manque de reconnaissance, de liberté et de protection financière.

L’humanisme au cœur de l’État de droit

Si la recherche du revenu focalise toute l’activité, si la préparation à un travail salarié est l’unique objectif de la formation, on doit s’attendre à une baisse vertigineuse du capital social au profit d’une fuite en avant faite d’angoisse et de violence.

Et si en plus, la société ne construit que des systèmes peu cohérents qui favorisent la fraude, l’État de droit est en danger et l’avenir de nos enfants terriblement hypothéqué.

Créer un État de droit qui autorise l’accès à toute la gamme des activités humaines, c’est donner cette égalité des chances qu’il ne faut pas confondre avec un égalitarisme bêtement mathématique.

Etablir à la vitrine de nos sociétés des ouvertures vers le développement des talents, c’est sauvegarder leurs valeurs de rareté et d’humanisme face à la robotisation des activités et des services. Il faudra toujours développer des qualités et des talents que la machine ne pourra jamais acquérir…

Les conséquences du choix

Aussi, garantir le revenu de base, c’est mettre l’individu sous une protection minimale qui lui permet de s’épanouir grâce à une allocation de temps. Alors, il devient possible pour lui de se développer d’une manière paisible dans le contexte d’un choix d’activités et de formations.

En conséquence, augmenter le choix et ainsi favoriser l’épanouissement ne signifie pas punir ceux qui choisissent de travailler beaucoup et produisent de la richesse, ni à l’inverse culpabiliser ceux qui choisissent de travailler d’une manière non conventionnelle.

Il s’agit :

  • de gérer lucidement une dissociation de fait entre le travail et le revenu par l’octroi d’une allocation universelle ;
  • de reconnaître la valeur du temps en garantissant un revenu d’existence car tout choix est finalement un choix d’allocation de temps ;
  • d’avoir une politique économique délibérément orientée vers la croissance du revenu plutôt que la croissance du travail sans dignité humaine, car avec un revenu limité le choix n’est pas disponible ;
  • de dégager le travail et le loisir du sentiment de culpabilité qui diminue toujours le choix – il vaut mieux réserver ce sentiment aux grandes catégories morales que sont le droit et la justice ;
  • de refuser de mettre des conditions à l’octroi du revenu de base afin de donner la liberté de choix ;
  • d’avoir une politique d’éducation et d’insertion résolument tournée vers l’augmentation des talents multidimentionnels.

Voilà énumérées les conditions nécessaires, croyons-nous, à la conquête  d’une liberté.

Ainsi l’activité humaine sera-t-elle déployée sur un large spectre autorisant le choix et l’enchantement de la vie, antidotes puissants contre l’ennui, la violence et la morosité.

L’homme espère quand il croit qu’il peut. Lui donner du pouvoir et de l’initiative, c’est mettre en place, par contagion, un nouveau mode de vie pour le 21ème siècle et sauvegarder un État de droit fort, promoteur d’humanisme et de capital social.


>>> Crédit photo: AttributionNoncommercial Jessica Tardif

Ce texte est inspiré du livre : « De la défaite du travail à la conquête du choix » de B. Jarosson et M. Zarka, paru aux éditions Dunod.

>>> Source : http://revenudebase.info/2013/02/la-conquete-du-choix/

 

L’édito du 21 mars 2013

Bonjour à tous,

Comme je l’avais annoncé dans mon édito du 21 12 2012, voici donc après le SAM7BLOG, & Le Message du plan C,  la seconde nouveauté 🙂

En effet, dans mon shaarli, vous avez du vous rendre compte je ne partageais pas « que » de mes sujets habituels … dorénavant, outre les romans, films & séries tv (science-fiction / policier-espionnage / aventure-action …), ce nouveau blog parlera aussi de science & de technologie, d’informatique et de divers sujets du même ordre (en fait, d’un peu de tout, sauf des distributions GNU/Linux & des Logiciels Libres qui ont leur site/blog dédié depuis déjà un bon moment : le SAM7BLOG) … c’était (aussi) « ça » mon fameux « 42 » …

Je vous invite donc à suivre également ce nouveau blog qui je suis sûr vous intéressera en bon geek qui se respecte 🙂

A compter de maintenant, j’espère pouvoir continuer de publier toujours autant de billets, même s’il y a maintenant un blog de plus… si possible au mois 1 billet par semaine pour chacun de mes 3 blogs (mais pas nécessairement « de ma plume », car je rediffuse bien souvent des billets que je trouve très intéressants)  … en plus de mon incontournable shaarli quasi-quotidien 🙂

Cordialement,

sam7

 

 

Feu vert pour l’initiative citoyenne européenne

Feu vert pour l’initiative citoyenne européenne

Après un premier rejet et plusieurs mois d’attente, la Commission Européenne vient de donner son feu vert à la collecte des signatures pour demander aux institutions européennes d’étudier sérieusement l’option d’un revenu de base européen. Ainsi commence une campagne de 12 mois visant à récolter plus d’un million de signatures.

initiative européenne

Le comité de citoyens de l’initiative citoyenne européenne (ICE) a eu raison de ne pas baisser les bras lorsque la commission a rejeté une première tentative en septembre dernier. Après étude de la seconde proposition envoyée en novembre dernier, celle-ci vient cette fois-ci de donner son feu vert à la récolte des signatures.

La Commission Européenne devait en effet certifier que la demande exprimée par le comité de citoyen entrait dans le cadre de ses attributions. Ceci notamment afin d’éviter que de l’énergie soit dépensée pour récolter un million de signatures… pour rien. Or, suite à la réunion de Florence, le comité de citoyen avait donc amendé sa demande et enregistré une nouvelle initiative sur le site de la Commission (consulter le texte en français ici). Comme nous l’écrivions en novembre dernier :

Contrairement à la première version soumise à la commission, cette seconde version ne demande pas à la commission d’acte juridique en faveur du revenu de base, mais seulement de mettre en œuvre des moyens d’étudier sérieusement l’alternative du revenu de base. De plus, ce nouveau texte s’appuie plus solidement sur les recommandations du Parlement européen ainsi que sur l’article 156 du Traité de Fonctionnement de l’UE.

Comme nous le pressentions, la Commission pouvait très difficilement rejeter une telle demande, qui a pour objectif de forcer les institutions européennes à prendre au sérieux l’idée d’un revenu de base inconditionnel pour tous les européens, et ainsi d’alimenter le débat en Europe autour de cette idée. D’où son titre: « Revenu de base inconditionnel – Explorer une voie vers des conditions sociales émancipatrices dans l’UE ».

Si le nombre de signatures requis est atteint dans un an, alors la Commission Européenne accordera une audience aux promoteurs de l’ICE devant le Parlement européen. Elle devra ensuite accepter ou non la mission que l’ICE leur demande (étudier la faisabilité du revenu de base européen) ou la refuser (en justifiant ses motifs). Si elle accepte, cela pourrait ouvrir la voie au financement d’études, de conférences, forums, voire même d’expérimentations du revenu de base en Europe.

Le but de ces études serait aussi d’explorer les différentes implications qu’un revenu de base à l’échelle européenne pourrait avoir : quelle harmonisation européenne sur le droit du travail ? Sur les droits sociaux ? Sur la fiscalité ? Ces questions méritent d’être éclaircies et cela nécessite des moyens. Pour mémoire, voici un petit schéma du processus de l’initiative citoyenne européenne (plus d’infos ici) :

Une première mondiale

Mais outre ce dénouement hypothétique, la stratégie déployée par les différentes organisations impliquées dans l’ICE est surtout de lancer un signal à tous les citoyens européens : pour la première fois dans le monde, des organisations et citoyens de quatorze pays (Autriche, Belgique, Danemark, France, Grèce, Allemagne, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Royaume-Uni) ont décidé d’unir leurs force pour promouvoir le revenu de base. Il est clair qu’il ne s’agit que d’une première étape dans la création d’un mouvement social d’ampleur européenne autour de cette idée.

Pour l’heure, le site permettant de soutenir l’initiative est encore en cours de préparation, et les mesures de sécurité et de protection des données privées du système permettant la collecte des signatures doit encore être certifié conforme par la commission .

Nous vous tiendrons bien sûr informés ici-même lorsque vous pourrez signer notre demande. En attendant, nous vous invitons à suivre la page Facebook dédiée à l’initiative et à vous inscrire à notre newsletter pour être tenus informés en Français des développements importants à venir.

À très bientôt pour une campagne historique !


>>> Crédit photo : PaternitéPartage selon les Conditions Initiales HowardLake

>>> Source sur : http://revenudebase.info/2013/01/feu-vert-initiative-citoyenne-europeenne/

 

Citoyen ou salarié à vie ? Analyse critique du « salaire à vie » de Bernard Friot

Citoyen ou salarié à vie ? Analyse critique du « salaire à vie » de Bernard Friot

Revenu de base ou salaire à vie ? Les désaccords entre les défenseurs des deux projets ne sont pas que d’ordre sémantique. En effet, c’est deux visions de la société qui s’affrontent. Frédéric Bosqué revient dans cette tribune sur ce qui sépare le revenu de base du salaire à vie de Bernard Friot, mais aussi sur ce qui rassemble les militants de chacune des propositions.

salaire à vie VS revenu de base

Depuis plusieurs mois, j’entends, je lis, je vois des informations qui circulent autour du salaire à vie de Bernard Friot et de son « réseau Salariat ». Plusieurs de mes ami-e-s m’ont même dit, en s’appuyant sur les dires de son géniteur ou de ses volontaires, que salaire à vie et revenu de base seraient en quelque sorte de la même famille et que rien de vraiment significatif ne les séparerait si ce n’est leur appellation « revenu » et le « de base »… rien que ça.

En me référant à son livre L’enjeu du salaire (en particulier les pages 167 à 170), et à son interview vidéo en deux parties sur le site Actus Chômage, je voudrais remettre, entre revenu de base et salaire à vie, une perspective de choix civilisationnel afin de regarder si ces deux propositions sont si proches l’une de l’autre ou si leurs directions nous conduisent vers deux avenirs très différents. Ainsi, chacun pourra au mieux, dans le présent, choisir un salaire ou un revenu en fonction de l’avenir vers lequel il conduit, voire peut être un mix entre les deux, sait-on jamais !

Un simple aménagement de la société de production

Soyons d’accord au moins sur un point : je n’ai rien « contre » Bernard Friot que je n’ai pas le plaisir de le connaître. Et il va sans dire, mais c’est mieux en l’écrivant, que rien dans ce que je dirai ne portera atteinte à ce qu’il est. Je ne pense pas non plus qu’il a tort ou que j’ai raison. Je pense qu’il s’agit plutôt, en tout cas pour moi, d’un désaccord profond dans le sens d’un accord inharmonieux entre la civilisation proposée en fin de compte par un salaire à vie, et celle d’un revenu de base inconditionnel.

Je pense qu’au-delà du nom de chaque proposition s’ouvrent des perspectives radicalement différentes, « radical » étant pris ici dans le sens de profond. En effet, le salaire à vie décrit par le réseau salariat, est pour moi un aménagement de la société de production au profit de l’une de ses composantes : les salariés. Il est une réaction à la prise de pouvoir excessive, sur ce point nous sommes d’accord, d’une autre partie prenante de la société de production : les actionnaires. Personnellement, je ne ferai pas le choix de l’un contre l’autre, car les deux sont nés avec la société de production et les deux disparaîtront avec elle.

Rien de très nouveau d’ailleurs, puisque déjà en 1905, la charte d’Amien confirmait l’article 2 constitutif de la C.G.T. : « « La CGT groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat » ! C’est d’ailleurs pour cela, me rappelait mon ami Patrick Viveret, que le mouvement avait pris pour nom « mouvement ouvrier », ouvrier faisant référence à l’Oeuvre comme projet de vie et non un simple emploi salarié. Loin de tirer la couverture, à droite ou à gauche, du lit de la société de production où nous nous sommes endormis à moitié, le revenu de base, lui, nous en sort… du lit ! Il nous appelle à nous réveiller et nous entraîne pas à pas vers une nouvelle société, celle de l’émancipation. Je pense, mais je peux me tromper, qu’il y aura autant de différences entre la social-démocratie, la civilisation actuelle, et l’ancien régime qu’il y aura de différences entre la social-démocratie et la société de l’émancipation.

C’est ce choix qu’ont fait les défenseurs du revenu de base. C’est pour cela qu’ils refusent de se faire enfermer dans toute idéologie, qu’elle soit libérale, socialiste ou écologiste, même si chacun milite dans un parti ou une organisation se référant à l’une ou l’autre de ces idéologies, voire à aucune ou plusieurs d’entre elles. Ils ont bien compris que l’évolution de la vie va vers l’individualisation des consciences, vers leur émancipation et que cette autonomie ne se gagnera pas contre les autres parties prenantes de notre société mais avec elles.

C’est pour cela qu’ils appellent de tous leurs vœux une compréhension mutuelle, une réconciliation de toutes les parties prenantes de notre société. Car si nous avons choisi la république (Res Publica, la chose publique) ET la démocratie (le gouvernement par le plus grand nombre) c’est parce que nous voulons, dans la diversité, continuer à vivre ensemble. En fait, le message profond des défenseurs du revenu de base est que chacun puisse expérimenter le chemin de son propre bonheur dans le respect des humains et de la nature. Préserver le bien commun et étendre nos libertés individuelles, voilà le projet civilisationnel du revenu de base. Mettre fin à l’utilisation de l’humain comme prothèse à vie de l’appareil de production et l’utilisation de la nature comme son support, voilà leur engagement Politique avec un grand P comme dans « PAIX ». J’attends avec une certaine impatience, le projet civilisationnel et l’engagement politique des défenseurs du salaire à vie.

Je vais donc essayer, au travers de la lecture de leurs écrits, de mettre en avant nos différences, non pas pour nous opposer de façon stérile mais pour mettre clairement sur la table les objets de notre dispute, dans le sens élevé auquel l’entendaient nos ancêtres Grecs et plus particulièrement leurs philosophes. C’est à partir de ces éléments saillants que je nous invite à entrer en dialogue, quand et où nous le voudrons, mais dans tous les cas, dans un esprit de fraternité qui sied à ceux qui aspirent à l’émancipation humaine.

Salaire à vie et revenu de base sont inconditionnels

Les défenseurs du revenu de base ont dû souvent faire face à diverses propositions qui se revendiquaient de la même famille qu’eux. Afin de bien distinguer chacune d’entre elles,  ils ont établi une grille de test simple auquel nous allons aussi soumettre le salaire à vie :

1.     Un salaire à vie est il inconditionnel ? Non, il est versé sous condition de majorité. Il faut avoir 18 ans.

2.     Le salaire à vie est-il égal pour tous ? Non, il est fonction d’une échelle de qualification qui compte quatre niveaux. Il y a bien une différence entre les humains et cette différence est exprimée par leurs niveaux de qualification. Mais par rapport à quoi ? par rapport à leur appartenance à l’appareil de production marchand.

3.     Le salaire à vie est-il versé de la naissance à la mort ? Non, nous l’avons vu, nouvelle distinction entre les humains : un mineur n’est pas un « vrai » humain.

4.     Le salaire à vie est-il cumulable ? Oui, puisque les niveaux de qualification s’empilent.

5.     Le salaire à vie est-il inaliénable ? Je n’ai pas trouvé de réponse à ce sujet.

Le salaire à vie n’est donc pas inconditionnel, il n’est pas non plus égal pour tous, il n’est pas versé de la naissance à la mort, il est par contre cumulable.

Mais pour autant, je le considère comme le plus proche cousin de nos revenus d’existence, de base, de vie, inconditionnels ou autres allocations universelles ou citoyennes … car comme eux, il est irréversible et laisse à penser que chacun, avec lui, pourra enfin un jour choisir son activité indépendamment du revenu en monnaie qu’il en tirera.

Nous avons donc une base commune ! Soyons heureux nous avons donc à partir de cette base commune une forte perspective d’amélioration !

 « Salaire » ou « Revenu », du Mineur à vie au Majeur de base

« L’attribution à chacun, à sa majorité, du premier niveau de qualification, reconnaît la potentialité de participer à la création de valeur économique » nous dit Bernard Friot.

Je suis en désaccord profond avec cette phrase qui encore une fois ne peut voir un humain autrement que comme prothèse à vie de l’appareil de production. Je refuse toute forme d’aliénation, qu’elle soit issue d’un collectif ou d’un individu. Un humain naissant ne sera jamais « un potentiel de participation à la valeur économique ». Il est bien plus que cela.

C’est quand même hallucinant qu’au XXIème siècle, on ne puisse comparer les humains entre eux que comme exerçant, même potentiellement, une activité de production dans le but de vendre cette production contre de la monnaie sur un marché ! À cette réduction de l’humain, à sa qualité de travailleur à vie, pire de salarié à vie, le revenu de base oppose une vision émancipatrice. Le revenu de base n’est pas versé parce que nous avons des capacités à produire mais simplement parce que nous existons. Le petit d’humain est accueilli pour lui-même, sans condition ni comparaison. Il est le même pour tous, il ne t’est pas donné pour ce que tu vas faire pour la société, vision utilitariste et matérialiste de l’humain et il n’est pas lié non plus à ton mérite personnel, vision élitiste et individualiste de l’humain.

Ici commence la raison pour laquelle nous disons revenu et pas salaire. Un revenu me revient, et justement il se trouve que le revenu de base me revient car il est un droit nouveau à jouir du patrimoine commun de toute l’humanité qui ne se réduit pas à celle qui occupe cet espace et ce temps mais qui s’étend à celle qui occupe tous les temps et tous les espaces. Depuis Yoland Bresson, nous savons que quel que soit son niveau de qualification, un geste technique n’a de valeur marchande que dans le champ économique dans lequel il est inscrit. Et ce champ économique n’a pas été créé que par l’individu qui accomplit cet acte marchand, ni par la génération actuelle qui l’a mis au monde, mais aussi par toutes celles et ceux qui nous ont précédés. Ainsi ce capital humain (je sais que ça va hérisser les poils de certains, mais bon autant mettre sur la table ce qui n’y est pas encore !), n’appartenant à personne, appartient à tous et nous devrions nous le répartir de façon strictement égalitaire.

Le revenu de base est donc un revenu qui me revient indépendamment de ceux qui me gouvernent, de ceux qui me font travailler, de ceux qui défendent mes droits et même de ceux qui m’ont donné la vie, voire indépendamment de mes propres talents. C’est en cela que le revenu de base est émancipateur de toutes les conditions qui s’exercent sur notre libre arbitre, qu’elles soient génétiques, psychologiques, culturelles, structurelles, voire conjoncturelles.

Oui, un salaire n’est pas un revenu, justement. Le salaire est né avec l’industrialisation de la production et l‘apparition de la machine. Pour moi, il n’est que la forme moderne de l’esclavage. D’ailleurs en droit, il implique un lien de subordination avec son employeur. Le salaire est souvent fonction du marché du travail, comme il existait à l’époque le marché des esclaves. Bien sûr, je ne nie pas la profonde influence positive qu’il a eu sur les conditions de travail grâce aux luttes sociales pour le faire croître, mais j’en dénonce le tréfonds aliénant. Que ce soit sous la domination des salariés qui fixeront son niveau, ses paliers, ses épreuves et son mérite, ou que ce soit sous sa domination actuelle liée aux actionnaires qui conditionnent ce qu’ils laissent aux salariés ; dans les deux cas ce sont des parties prenantes de la société de production qui le fixeront à partir d’une production marchande vendue sur un marché contre de la monnaie.

Je ne pousserai pas plus loin la comparaison. Retenons seulement que si nous voulons vraiment poursuivre l’émancipation de l’Humain, en préservant la diversité de ses activités marchandes ou non selon ses aspirations, le revenu ne doit plus dépendre d’aucun pouvoir, qu’il soit privé ou public, mais d’une décision constitutionnelle votée par une majorité qualifiée qui octroie sans condition un revenu à tout citoyen dès sa naissance et jusqu’à sa mort. Ce revenu inaliénable, égal pour tous, doit lui permettre de dire « oui » ou « non » à une activité marchande. Ce nouveau droit nous fera entrer dans une société nouvelle. Il changera profondément les rapports sociaux et mettra fin à ce chantage à la faim qu’exercent les parties prenantes de la société de production sur tous les humains et l’exploitation suicidaire de la nature et de toutes ses formes de vie.

« A vie » ou « de base » : du déterminisme au libre arbitre

Je ne serai donc jamais un mineur à vie ! Je suis un majeur de base. Ce n’est pas parce qu’une société de chats fera naître un chien que le chien deviendra un chat ! Nous devons nous organiser pour que chacun trouve sa place dans notre république, et que croissent Liberté, Égalité et Fraternité ensemble… entre chiens et chats !

Bernard Friot nous dit :

Les ressources relèvent de deux chèques, celui du revenu de base et le second obtenu sur le marché du travail. L’emploi demeure donc bien la matrice du travail, même si un forfait vient reconnaître la contribution au travail du hors-emploi

Oui et non ! Certes, la (r)évolution de l’instauration d’un revenu de base met en évidence, en effet, deux revenus. Un revenu d’activité lié à ma participation individuelle à la production d’un bien, d’un service ou d’une information, vendue ensuite sur un marché, et un revenu d’existence non lié à ma participation directe à la production marchande mais indexé sur elle.

Le but du revenu de base n’est pas de modifier la nature du revenu d’activité. Que ceux qui veulent produire des biens, des services et de l’information, qui vont être vendus ensuite sur un marché en monnaie, s’arrangent entre eux ! Il y a pour cela la loi, les droits, et tout ce qui est nécessaire pour répartir en monnaie le fruit de cette production marchande. Je ne dis pas que c’est bien ou mal, je dis qu’ils décident entre eux. Pour ma part, je pense qu’il faut étendre la démocratie au marché et pour cela je me battrai pour que toutes les parties prenantes de l’économie participent aux choix de la répartition de ce qu’ils ont produit et que jamais l’une d’entre elles ne décide sans les autres.

L’histoire nous a montré et nous montre encore aujourd’hui les excès possibles issus de la volonté de toute puissance de chacune des parties prenantes de la société de production : clients, fournisseurs, salariés, actionnaires, société civile… Pour ce faire il nous faudra même changer la loi, car il n’existe pas un droit de l’entreprise mais seulement un droit des sociétés de capitaux. Même les SCOP sont soumises au droit des sociétés de capitaux. Il n’existe aucune possibilité, en droit, d’entreprendre sans que le centre de l’entreprise soit un capital en monnaie ! Mais ce n’est pas ici le lieu de débattre de ce thème et justement, ce n’est pas le champ d’engagement du revenu de base.

Le sujet du revenu de base est de créer un nouveau type de revenu pour tous les humains indépendamment de leur participation à une activité marchande. Un revenu d’existence qui donne le droit de choisir une activité grâce à ce revenu, et non pour en avoir un.

Le sujet du revenu d’existence, qui un jour sera un revenu d’autonomie, c’est le pouvoir de chaque citoyen de dire « oui » ou « non » à une activité marchande. Son sujet, c’est le « JE » au cœur du « NOUS ». Nous pensons que l’on peut tout à fait vivre et se développer en relocalisant sa production voire en la démonétisant pour en user directement ou l’échanger gracieusement. Nous pensons que de plus en plus d’activités « de base » nécessaires à la vie engendrent une abondance qui n’est limitée « à vie » que par leur monétisation et leur appropriation par certaines parties prenantes de la société de production. Nous revendiquons le droit d’exister et de créer, indépendamment de la monétisation que nos activités engendrent. Seul un découplage des revenus des seules activités marchandes permettra cette métamorphose vitale de notre civilisation marchande en une civilisation humaine fondée à la fois sur la préservation de notre bien commun ET sur l’extension de nos libertés individuelles.

Pour un nouveau contrat social

Le contrat social implique que nous abandonnions une partie de notre liberté individuelle au profit d’une volonté commune constituée en association. C’est elle qui préserve mes droits individuels contre toutes les parties prenantes de la société. En particulier elle est là pour m’assurer de la jouissance durable du bien commun nécessaire à la vie. Mais aujourd’hui, nous sommes contraints à produire bien plus que ce qui nous est suffisant, en raison de ce chantage à la faim qui, par le salaire, nous met un anneau dans le nez. Seule une déconnexion du revenu de l’activité marchande viendra à bout de ce nouvel esclavage. Ce lien toujours clair entre salaire et production marchande, entre salaire et utilité sociale, doit être coupé définitivement, par un revenu d’existence ou de base. Le revenu d’activité, lui, restant assis sur cette production marchande qu’il soit salarial ou non.

À l’inverse du Salaire à vie qui rattache clairement son niveau à une qualification qui est fonction de l’appareil de production.

contrat social revenu

Aujourd’hui, la société de production est capable de produire bien plus que le nécessaire. Et pourtant, partout dans le monde, des humains meurent de faim, de froid, d’ignorance et de maladie pendant que d’autres remplissent leur coffre et leur caddie d’objets inutiles à la vie. Avec 80 milliards de dollars, on met fin à la misère. Soit la bagatelle de 0,01 % des transactions financières dans le monde des actionnaires, 10% du budget militaire mondial des états, ou encore 100% du budget de la nourriture pour animaux domestiques en 2010. Une crise de valeurs ? Oui mais pas financière ! Les volontaires du revenu de base ne sont pas là pour s’immiscer dans les combats éternels que se livrent ceux qui ne veulent pas produire et échanger sans contrepartie à leur travail, mais leur cause est celle de ceux qui depuis longtemps pensent en termes de gratuité, de fraternité, de liberté, de justice, d’émancipation et d’abondance.

Bien sûr, il faut mettre fin à l’injustice sociale, aux conditions de travail ignobles auxquelles sont soumises certains salariés dans le monde, le viol outrancier de la nature et de ses formes de vie, la guerre économique que se livrent des entreprises exsangues car soumises à une demande solvable sans cesse réduite par la productivité des machines, l’intensification des cadences et l’appropriation fanatique des acteurs financiers de la monnaie nécessaire à faire circuler les richesses réelles. Un simple revenu « de base », permettant à terme de dire « oui » ou « non » à une activité marchande serait un signal majeur pour remettre chacun à sa place. Les rapports sociaux changeraient profondément et chacun pourrait enfin refuser un emploi pour prendre une activité marchande ou non marchande de son choix. Cumulable avec toute forme de revenu, qu’il soit salarial ou non, chacun pourrait choisir, en fonction de son aversion aux risques, l’activité qu’il voudrait conduire et le niveau nul, légitime ou excessif des contreparties qu’il voudrait en échange de ses talents.

Transition VS révolution

« Tous les changements révolutionnaires dans la définition du travail abstrait qu’opère déjà le salaire à vie continuent à être niés, a fortiori, par ce que rend possible le salaire universel. » nous dit Bernard Friot

Dans un processus de changement profond et vital d’une organisation, que ce soit un foyer, une entreprise, ou la communauté mondiale, l’important n’est pas ceux qui vont s’adapter aux nouvelles règles mais ceux qui ne vont pas s’y adapter. La question de fond sera : comment la nouvelle organisation va-t-elle intégrer la plus grande diversité possible pour continuer sa progression sans vivre une douloureuse «contre-révolution »? De toute façon, dans un cas comme dans l’autre, l’organisation devra intégrer ce qui est devenu nécessaire à sa survie ou bien elle périra. Jared Diamond nous a montré dans son livre Effondrement que le manque de cohésion sociale et l’incapacité à consommer les ressources au rythme de leur renouvellement sont les deux causes les plus fréquentes de disparition des civilisations qui nous ont précédées.

C’est pour cette raison, mais c’est un choix personnel, que j’ai abandonné toute forme de révolution au profit de la transition, quoiqu’une transition soit une (r)évolution mais avec un changement d’ère ! Cela fait 27 ans que je suis un volontaire engagé pour remettre la finance au service de l’économie et l’économie au service de la vie. Je suis engagé avec mes ami-e-s pour l’instauration d’un revenu de base inconditionnel pour tous. Je suis également engagé (entre autres) pour une réappropriation de la monnaie par les citoyens dans le mouvement « Sol », que Patrick Viveret a initié. Je pense donc appartenir à la même famille des humains progressistes qui ne peut se réduire à la seule « gauche marxiste».

Qu’est-ce qui est commun à tous mes engagements ? La volonté de réunir tous les camps, de les faire dialoguer, de faire en sorte que chacun sorte du camp dans lequel il est né ou dans lequel les évènements de sa vie l’ont placé. L’objectif est de trouver à nouveau un centre de l‘union, où les volontaires de chaque camp pourront à nouveau trouver les causes et non plus les cibles de nos problèmes communs et bâtir enfin les bases d’une nouvelle civilisation plus humaine et plus respectueuse de la nature. Tous sont les bienvenus pour surpasser la souffrance et la douleur humaine et engendrer la poursuite de l’émancipation humaine !

Il s’agit d’accueillir tous ceux qui veulent mettre fin à ces passions archaïques d’accumulation sans mesure, de spoliation systématique,  de pouvoir  unilatéral sur les autres, de production sans régulation, d’exclusion bestiale et la liste pourrait s’étendre quasiment à l’infini tant notre culture colporte encore de germes propices à la régression humaine. Il s’agit de donner la chance à chacun de prendre un nouveau départ, de ne plus répéter le passé, d’opérer sa métamorphose, de passer de la chenille au papillon ! Et ce sont toutes ses chenilles en cours de transition qui sont la société en transition. C’est à chacun d’entre nous d’élever ses comportements au niveau de ses valeurs  et d’aider les autres à faire de même. Comme le dit Gandhi :  » Sois le changement que tu veux voir dans le monde… ».

Invitation au dialogue

La dispute (toujours au sens grec) et le dialogue que je propose à nos camarades du « Salaire à vie », se résume à deux constats temporaires sur le revenu de base et le salaire à vie.

Par son caractère modeste « de base », le revenu de base procède par transition en faisant gagner progressivement toutes les parties prenantes de la société de production. Le fait que chacun pourra continuer à se regrouper en association ou en entreprise avec ou sans but lucratif, autour d’une capital financier ou humain, pour exercer une activité marchande ou non, introduira une diversité de choix propice à un enrichissement mutuel que la démocratie par la négociation, permettra de réguler et de faire progresser. Le revenu de base renforcera notre volonté de faire société dans la diversité. En même temps, le fait de déconnecter le revenu de la seule activité marchande introduira un germe de changement que le corps social pourra intégrer sans rejet ni lutte excessive avec, à terme, l’assurance, comme tous les droits précédents, d’atteindre un revenu d’autonomie suffisant pour dire « oui » ou « non » à une activité marchande et entrer dans une société de l’émancipation pour préserver notre bien commun et étendre nos libertés individuelles.

Par son caractère « à vie », le salaire à vie, selon moi, reste un projet trop global, centralisé, faisant système et basé sur des rapports de force excessifs. Il ne peut faire gagner l’une des parties prenantes de notre société que contre la destruction d’une autre, ce qui appellera pour moi des processus forcément violents et non démocratiques pour contenir la réaction violente de ceux qu’ils voudront détruire et réduira notre volonté commune à faire société. Son engagement et ses perspectives sont clairement de rester à l’intérieur même d’une société de production dans laquelle, l’humain, producteur marchand et salarié pour l’éternité, restera lui une prothèse « à vie ». L’appareil de production marchand restera central. La nature et la Vie ne seront jamais que son support éternel. Le fait que ce soient les salariés ou les actionnaires d’une entreprise marchande qui décident, collectivement ce qui est valorisable ou pas en monnaie pour chacun, continuera à freiner la poursuite de l’émancipation humaine.

Il me tarde de pouvoir discuter de tout cela, dans un esprit de fraternité, avec Bernard Friot et les volontaires du salaire à vie. C’est dans une compréhension plus grande de nos différences que nous pourrons construire nos désaccords mais c’est aussi dans leur acception que nous pourrons, peut-être, voir émerger à vie une base commune et cela, mes ami-e-s, sera pour moi autant un salaire qu’un revenu.


Pour prolonger le débat, le livre de Frédéric Bosqué sur alternativeshumanistes.info

>>> Crédit photo Paternité savagecats PaternitéPartage selon les Conditions Initiales BarbaraLN

>>> Source sur : http://revenudebase.info/2013/01/revenu-salaire-vie-friot/

 

Mon humble avis sur Chouard

Mon humble avis sur Chouard

La toile vrombit.

Enfin un petit bout de toile qui s’intéresse à ce débat underground: Etienne Chouard propose de se mobiliser pour une nouvelle société réellement démocratique, est-ce sincère et généreux ou bien est-ce bidon, populiste et nourri de pulsions tyranniques? Etienne Chouard est-il un n-ième affreux facho manipulateur déguisé en gentil défenseur d’un peuple abusé?

Il me semble légitime de se poser la question.

Je n’ai évidemment pas de réponse définitive à cette question mais j’ai un avis.

Je ne suis pas un fan, je n’ai pas de poster de lui au dessus de mon lit. Je m’intéresse à beaucoup de propositions disruptives comme le revenu de basele salaire à vie et la cause des causes d’Etienne Chouard, et je prétends garder un esprit pour le moins critique.

Pour avoir passé beaucoup d’heures à lire ou écouter Mr Chouard, je veux simplement dire benoîtement que je lui accorde ma confiance. Si demain on me prouve que j’ai tort, je peux changer d’avis.

En attendant, je mets de côté ses supposées amitiés obscures. Je veux m’éloigner des procès en sorcellerie et m’en tenir aux idées, aux propositions: depuis plus d’un an que je traque le bonhomme, je n’ai jamais surpris Etienne Chouard en flagrant délit de propos “déviants”. Et pourtant crois moi, je suis vigilant.

Cela te fera peut-être bondir mais je revendique d’écouter aussi mon coeur, mon ressenti profond: j’utilise la Force :)

Je m’en sers pour me faire une opinion: est-il du côté obscur? Au point où j’en suis, je ressens les motivations de Chouard comme étant généreuses. Je ressens de la colère parfois, jamais de haine. Je ne crois pas qu’il aspire à mettre sur la gueule des affreux, je crois qu’il veut les neutraliser, les mettre hors d’Etat de nuire. Voilà qui me correspond. Il ne s’agit pas d’égorger les « ultra riches », il s’agit de les soigner :)

A l’inverse un type comme Soral est pour moi du côté obscur. Ce type suinte la souffrance et la rancoeur, il veut en découdre. Ses schémas de société ne m’intéressent pas, ils sont fait de violence. C’est tout ce que je combats. De là à dire que c’est un imbécile sans intérêt, ce serait idiot. Je comprends très bien qu’on puisse s’intéresser à lui, même si personnellement je n’ai aucune envie de l’inviter pour l’apéro.

Au final c’est presque drôle de voir les accusations partisanes puisque que Chouard est accusé par la droite d’être un sale communiste et par la gauche d’être un sale facho (non je ne mets pas de lien, je ne feed pas les trolls :) ). Il s’avère justement que son propos est de défendre la vraie démocratie, l’expression de tous, pas celle d’un camp.

Personnellement, tout ce que j’ai entendu converge vers un seul objectif, la réduction des inégalités sociales. Mais soit, admettons même qu’il soit de droite (pas que ce soit un crime mais ce n’est pas exactement ma crémerie), je préfère un type de droite qui se bat pour la justice sociale qu’un ami socialiste qui pense qu’il faut être réaliste et écouter ce que l’économie a à nous dicter :)

Ce ne sont pas les opinions personnelles de Chouard qui m’intéressent, ce sont ses analyses sur notre impuissance politique qui me percutent.

Tout ça pour dire: fouillons les propositions, débattons des idées. Le reste c’est du Gala. Si tu as des objections sur les propositions, ça m’intéresse, si tu n’aimes pas ses amis, je pourrais être d’accord avec toi mais ça n’a pas grand intérêt.

#amha

>>> Source : http://jcfrog.com/blog/mon-humble-avis-sur-chouard/

>>> Publié par Jérôme CHOAIN le 02/02/2013

>>> Nota : je partage son humble avis 🙂

Tour de France du Numérique pour l’Éducation ou pour Microsoft ?

Tour de France du Numérique pour l’Éducation ou pour Microsoft ?

Nous sommes en 2013 et nous n’avons toujours pas réussi à éradiquer ce triste symptôme qui frappe depuis des années l’Éducation nationale française, à savoir la marchandisation Microsoft de nos écoles et son malheureux corollaire : le déni volontaire du logiciel libre et de sa culture.

Dernier exemple en date, cette initiative qui de prime abord semble tout aussi innocente que louable : le « Tour de France du Numérique pour l’Éducation ».

Elle est ainsi présentée sur le site du projet :

Le Café Pédagogique et le réseau SCEREN (CNDP-CRDP) sont heureux de vous inviter à l’étape du Tour de France du Numérique pour l’Éducation qui se tiendra dans votre région.
Ce rendez-vous sera l’occasion de rencontres et d’échanges sur des pratiques pédagogiques innovantes autour du numérique. Venez rencontrer des enseignants innovants.
Découvrez leurs projets et leurs usages des nouvelles technologies numériques en classe de l’école au lycée.
Venez tester les nouveautés dans les domaines des équipements, solutions et contenus numériques pour l’enseignement.
Nous vous attendons nombreux !

Si vous êtes un lecteur régulier de longue date du Framablog, vous savez qu’il faut se méfier de la marque déposée « enseignants innovants » du Café Pédagogique et de son principal bailleur de fonds Microsoft (cf tous ces billets passés mais aussi ce remarquable article de feu OWNI : Microsoft programme l’école). Et pourtant nous aurions tant aimé qu’il n’en aille pas de même cette fois-ci…

Déjà observons le look du site (Edit : Comme cela a été signalé dans les commentaires, l’image de la page en question a, tiens, tiens, changé depuis. On n’y voit plus que deux enfants derrière un écran anodin, fini l’ostensible tablette Windows 8 !) :

Tour de France du Numérique pour l'Éducation

Quelles jolies couleurs, quelle jolie typographie et surtout quelle jolie tablette, n’est-ce pas ! Dans la mesure où nous avons tous été matraqués (sans le souhaiter) de publicités Windows 8 depuis la rentrée, il n’y a plus qu’à faire le rapprochement. Et, en effet, on apprend tout en bas que Microsoft est partenaire de l’opération.

Mais #INDECT, ça sert à quoi ?

Mais #INDECT, ça sert à quoi ?

Qu’est ce que INDECT ?

INDECT, l’équivalent d’Echelon pour l’Europe, c’est bon, mangez-en qu’ils nous disent !

Oui, sauf que…

Si vous ne connaissiez toujours pas le projet européen INDECT, dédié à la surveillance généralisée par video-surveillanceProtection, voici une petite vidéo en français qui résume à peu près tout.

Cette vidéo n’est pas officielle, mais issue d’Anonymous, d’où la voix robotisée. De ce fait, suivant votre degré de paranoïa, vous pourriez percevoir quelques images terrifiantes, mais ce ne saurait être que coïncidences avec la future réalité.

D’ailleurs, ça me fait penser qu’aux États-Unis, il y a aussi le NGI, dans un concept très similaire.

Voici un communiqué supplémentaire à lire sur l’opération #OpBigBrother #IDP13 – International Day For Privacy

>>> Sources :  http://korben.info/quest-ce-que-indect.html

http://neosting.net/video/indect-ca-sert-a-quoi.html

>>> Vidéo diffusée en janvier 2013 par Korben &  sur leurs bogs respectifs.

Nouvelle video du Message #democratie

Nouvelle video du Message #democratie

Un assez bon résumé. Invitation à la contagion :) #partage

Pour plus d’info => http://le-message.org

Parce que ce n’est pas aux hommes de pouvoir d’écrire les règles du pouvoir
« Nous voulons une Assemblée Constituante démocratique, donc tirée au sort »