Le mariage est le mode d’organisation de la conjugalité le plus ancien et le plus universel. Selon les pays et les époques, il se contracte — ou se défait — de manière rituelle, juridique ou religieuse, encadre les règles de fonctionnement du couple marié et fournit un cadre social et légal au développement de la famille.
Le mariage a également généralement des effets patrimoniaux et crée des liens variables entre les familles respectives des époux, ce qui en a aussi fait une manière d’établir des alliances entre tribus ou familles, de sceller une alliance ou la paix, de réclamer une position de pouvoir ou d’obtenir un capital (dot).
Les systèmes juridiques positifs consacrent son existence et l’encadrent sans nécessairement en donner une définition explicite. Il en est ainsi, par exemple, du droit français qui ne contient que ses conditions et ses effets (art. 144 et suivant du Code civil) et sa fin (annulation, mort ou divorce).
Il existe, à côté du mariage, d’autres formes d’unions dont l’union libre ou « concubinage », ainsi que diverses formes d’unions civiles d’apparition récente — par exemple en France, le pacte civil de solidarité. Ces autres formes conjugales, informelles ou peu formelles, bénéficient généralement d’effets plus limités que le mariage.
Or, il s’avère que « LE MARIAGE POUR TOUS » a définitivement été adopté par l’assemblée nationale par 331 voix contre 225 (avec 10 abstentions) le 23 avril 2013.
C’est scandaleux et lamentable ! c’est une énorme erreur « électorale » de la part du gouvernement en place ! … et dire que les maires seront obligés d’obéir à cette loi absurde sous peine de sanctions importantes !
Le nouveau Pape François est opposé au mariage au couples de même sexe : les enfants doivent être élevés avec un père et une mère !
Maintenant, il semble être trop tard pour revenir en arrière … bientôt, au train où vont les choses, on pourra se marier avec son chien ou son ordinateur … ou autoriser la polygamie ! … je n’ose imaginer la société dans quelques années … ils aurait pu éventuellement réécrire/adapter/améliorer le PACS s’ils le voulaient … mais utiliser le mot « MARIAGE », là, c’est trop ! ça dépasse l’entendement !
Et si l’écologie se trouvait dans des produits high-tech qui font vraiment envie ?
A l’heure où nous ne sommes toujours pas capables de rouler en véhicule électrique sans l’angoisse de la panne de courant, où les contradictions concernant une vraie solution énergétique durable sont quotidiennes, on peut sérieusement se demander si la technologie peut vraiment nous aider à trouver une issue à cette impasse.
Nous allons redescendre un peu les pieds sur terre aujourd’hui, avec des objets plus près de nous et plus réalistes, qui pourrait équiper nos logements assez rapidement. Puisqu’on parle sans cesse d’objets connectés et autres produits « intelligents », en voici quelques uns qui pourraient bien nous aider à gérer nos ressources plus judicieusement, sans pour autant laisser de côté notre confort.
Et surtout : des objets qui font sacrément envie.
Un thermostat qui apprend à te connaître
Imagine une maison ou un appartement qui se met de lui-même à la bonne température, tout le temps, pour économiser l’énergie lorsque tu es absent, et au contraire être toujours bien au chaud lorsque tu es à l’intérieur.
C’est le but visé par le Nest, un thermostat intelligent qui fait pas mal parler de lui depuis quelques mois. Il va apprendre tes préférences au fil de tes différents réglages pour finir par te proposer de lui-même la température idéale.
Ajoute à cela une interface simple et attirante (le concepteur est un ancien d’Apple), et quelques fonctions de contrôle à distance via ton smartphone ou ta tablette, et tu obtiens un produit qui a tout pour plaire.
Une fenêtre qui filtre les rayons du soleil selon la température
Tu connais sans doute le principe des lunettes qui foncent toutes seules au soleil : lunettes de vue classique en environnement peu lumineux, lunettes de soleil en pleine lumière.
Si faut bien admettre que l’aspect pratique et esthétique de cet objet est parfois discutable, le principe est tout de même génial.
La société Ravenbrick a eu la bonne idée de développer un concept de fenêtres complètes sur la même base, à la différence que la réaction se fait selon la chaleur captée sur leur surface.
Une technologie qu’il est apparemment prévu de vendre aux constructeurs de fenêtres, mais aussi de développer pour d’autres revêtements comme les murs.
Des lumières contrôlables avec son smartphone ? Si l’idée de base pourrait être destinée aux jacky de la déco, cela peut permettre de diminuer l’intensité lumineuse lorsque nous n’avons pas besoin de toute la puissance : levé et coucher du soleil, au réveil, le soir en mode relaxation.
Avec des possibilités qui feront chavirer ton petit coeur de geek, comme la possibilité de modifier la couleur de la lumière selon des photos pour revivre encore plus l’instant de la prise de vue, ou encore de pouvoir simuler ta présence en allumant les lumières lorsque tu n’es pas chez toi.
Pas mal d’autres usages sont envisagés pour plus tard, comme l’interaction avec de la musique ou des vidéos, ou une fonction de géolocalisation pour gérer l’allumage / extinction selon la présence de personnes dans les pièces.
Philips propose cette technologie avec un kit de base disponibles aux alentours de 200€ avec 3 ampoules. L’application n’est malheureusement disponible que sur iOS, mais un site web permet aussi de contrôler le système.
Et ce n’est sans doute que le début d’une longue série, notons par exemple le projet LIFX qui a réuni pas moins de 1.3 millions de dollars sur Kickstarter en novembre 2012.
On peut en imaginer beaucoup plus, et c’est justement le but de ce petitmodlet.
C’est un petit module à placer juste au dessus de ses prises existantes, pas besoin de se lancer dans de grands travaux (tu auras compris que le modèle présenté ici s’adresse au marché US, mais le concept est là).
L’objectif de base des modules est simplement de ne pas consommer inutilement de l’énergie pour les appareils branchés constamment mais inutilisés. Soit en programmant le module, soit en le laissant reconnaître les appareils qui y sont branchés.
Il est bien sûr également possible d’y ajouter d’autres fonctionnalités, comme le contrôle à distance, et la possibilité de suivre ses consommations en énergie.
Des panneaux solaires moins chers et biodégradables
Un des principaux freins au développement des équipements de captation de l’énergie solaire reste leur coût. Si la plupart des industriels du secteur se focalisent sur l’amélioration des rendements de ces appareils, la sociétéBioSolar a misé sur un autre aspect, en essayant de remplacer les matériaux traditionnels vers d’autres moins coûteux.
Elle s’est ainsi logiquement tourné vers des matériaux naturels, renouvelables et recyclables, comme du coton et des graines de ricin.
Un double avantage pour ces panneaux solaires du futur.
Mais malgré toutes les interrogations que l’on peut légitimement se poser face à la démocratisation en marche de cette technologie, deux aspects pourraient se révéler vraiment très intéressants d’un point de vue environnemental :
– la relocalisation d’une partie de la production, pouvant éviter une quantité non-négligeable de transports.
– la ralentissement de l’obsolescence programmée des produits, en permettant à tous de remplacer les pièces défectueuses bien plus facilement.
Ce n’est qu’un petit aperçu, issu en grande partie de cette sélection de Business Insider, je ferais sans doute d’autres articles de ce genre si ce sujet t’intéresse, au fil de mes découvertes.
N’hésite pas à m’en proposer d’ailleurs.
Alors, quel est le produit qui te fait le plus envie parmi ceux-ci ?
Du domaine public comme fondement du revenu de base (et réciproquement ?)
J’ai déjà eu l’occasion de parler récemment du revenu de base, dans un billet consacré à la rémunération des amateurs, mais je voudrais aborder à nouveau la question en lien avec un autre sujet qui m’importe : le domaine public.
A priori, il semble difficile de trouver un rapport entre le revenu de base et le domaine public, au sens de la propriété intellectuelle – à savoir l’ensemble des créations qui ne sont plus ou n’ont jamais été protégées par le droit d’auteur.
Revenu de base, revenu de vie, revenu inconditionnel, dividende universel, salaire à vie, etc : ces différentes appellations renvoient (d’après Wikipedia) au concept d’un « revenu versé par une communauté politique à tous ses membres, sur une base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie« , tout au long de leur existence. La mise en oeuvre d’un tel projet est susceptible d’entraîner des transformations très profondes du système économique, parce qu’il déconnecte le revenu et l’emploi. Elle modifierait notamment notre rapport au « temps libre » (otium), en augmentant notre capacité à nous consacrer bénévolement aux tâches qui nous semblent en valoir la peine.
Human reasons to work by freeworldcharter.org
L’idée peut paraître doucement utopique, mais la présentation ci-dessous par Stanislas Jourdan, un des militants français les plus actifs en faveur du revenu de base, vous permettra de mieux vous familiariser avec ce concept, ainsi qu’avec ses différentes modalités concrètes de mise en pratique. Vous verrez qu’il possède une longue histoire et qu’il est défendu par de nombreux acteurs, de tous bords politiques.
Le domaine public comme fondement du revenu de base ?
Jusqu’à présent, j’avais commencé à m’intéresser au revenu de base, comme une des pistes possibles pour le financement de la création, susceptible d’accompagner une réforme en faveur du partage non-marchand des oeuvres sur Internet. C’est sous cette forme que le revenu de base figure dans le programme proposé par La Quadrature du Net(à côté d’autres formes de financement mutualisés, comme la contribution créative ou le crowdfunding), ainsi que dans celui du Parti Pirate.
Mais en approfondissant la question, on se rend compte que la notion de domaine public, compris comme bien commun de la connaissance, est souvent avancée comme un des fondements possibles du revenu de base :
L’allocation universelle peut aussi être justifiée comme un dividende monétaire ou crédit social reçu par chacun lié à la propriété commune de la Terre et à un partage des progrès techniques…
Un billet, paru récemment sur le site Revenu de base et intitulé « Nous profitons tous du travail des morts« , détaille cette idée selon laquelle un revenu devrait être versé à tous au titre d’une propriété partagée du savoir :
Si l’ingénieur ou l’ouvrier d’aujourd’hui ont un salaire trois fois supérieur respectivement à l’ingénieur et à l’ouvrier des années 1950, serait-ce parce qu’ils produisent chacun 3 fois plus de richesse que leur homologue des années 1950 ? Et si oui, serait-ce parce que le travailleur d’aujourd’hui est trois fois plus travailleur, trois fois plus ingénieux et donc trois fois plus méritant que le travailleur d’hier ?
Il faut répondre oui à la première question et non à la deuxième. Oui le travailleur d’aujourd’hui est trois fois productif. Mais non, ce n’est pas lié à son propre mérite, au fait qu’il travaillerait trois fois plus ou qu’il serait trois fois plus ingénieux.
Si l’ingénieur et l’ouvrier sont plus productifs, c’est justement grâce au travail que leurs homologues ont réalisé depuis les années 1950 : grâce aux routes, aux chemins de fer et autres infrastructures construites depuis lors, aux machines qui font gagner du temps au travailleur et qui ont été mises au point et fabriquées par les travailleurs du passé, et surtout grâce aux savoirs et aux innovations réalisées par les scientifiques et les inventeurs depuis plus de deux siècles.
[…] ces savoirs et ce capital physique sont un capital commun qui ne saurait être approprié par une minorité sans compensation versée aux autres. Cet argument rejoint celui de Thomas Paine, pour qui l’accaparement des terres productives par des producteurs capitalistes en Angleterre entre le XVIème et le XVIIIème siècle (le mouvement des enclosures) doit donner lieu à une compensation versée à tous, la terre étant un bien commun.
On se situe ici davantage sur le terrain de la propriété industrielle (les inventions et les procédés techniques) que sur celui de la propriété littéraire et artistique (les oeuvres de l’esprit et les créations qui forment au fil du temps le patrimoine culturel). Mais dans un autre article plus ancien, intitulé « Pourquoi les pirates devraient défendre le revenu de base« , Stanislas Jourdan fait un lien plus précis entre le projet de dividende universel et la notion de domaine public, au sens de la propriété intellectuelle :
Les Pirates dénoncent la prétendue évidence selon laquelle le piratage serait néfaste à la culture. Ils dénoncent aussi les lois Hadopi et autres, qu’ils estiment inefficaces et surtout liberticides. Mais il y a quelque chose de plus puissant encore derrière leur justification du partage de la culture.
Le fondement philosophique qui justifie l’idée que les œuvres devraient être réutilisables et partageables, c’est que la création même de ces œuvres repose sur d’autres créations antérieures relevant souvent du domaine public ou simplement d’influences d’autres artistes. De fait, les protections actuelles que confèrent la propriété intellectuelle constituent en réalité un droit illimité d’exploitation mercantile de tout un champ de ressources relevant du domaine public et d’autres œuvres non rémunérées. Le système profite ainsi à une minorité tandis que la majorité des auteurs sont oubliés.
Le revenu de base part du même principe : aucun entrepreneur ne peut prétendre créer de valeur tout seul dans son coin. En vérité, tout ce qu’une entreprise ou un individu crée, il le fait en se reposant sur des productions antécédentes ou parallèles qu’il exploite souvent gratuitement.
Ce raisonnement rejoint de nombreuses analyses que j’ai pu développer dans ce blog depuis des années à propos du processus de la création. Toute création intellectuelle s’enracine dans un fonds pré-existant de notions, d’idées et de références pré-existantes qui en forment la trame et que le créateur va synthétiser et « précipiter » pour produire son oeuvre, en leur imprimant une marque particulière. Chaque écrivain, chaque peintre, chaque musicien est profondément tributaire des créateurs qui l’ont précédé et toute oeuvre par définition peut être considérée comme un remix. Pierre-Joseph Proudhon, dans les Majorats littéraires, tenait déjà en 1868 un discours similaire :
Voilà un champ de blé : pouvez-vous me dire l’épi qui est sorti le premier de terre, et prétendez-vous que les autres qui sont venus à la suite ne doivent leur naissance qu’à son initiative ? Tel est à peu près le rôle de ces créateurs, comme on les nomme, dont on voudrait faire le genre humain redevancier.(…) En fait de littérature et d’art, on peut dire que l’effort du génie est de rendre l’idéal conçu par la masse. Produire, même dans ce sens restreint est chose méritoire assurément, et quand la production est réussie, elle est digne de récompense. Mais ne déshéritons pas pour cela l’Humanité de son domaine : ce serait faire de la Science, de la Littérature et de l’Art un guet-apens à la Raison et à la Liberté.
Le droit d’auteur et la propriété intellectuelle en général ont pour effet de dissimuler cette « dette » que tous les créateurs ont vis-à-vis de leurs anciens, en liant le bénéfice de la protection à la création d’une oeuvre de l’esprit « originale« . A l’origine, la durée relativement courte des droits (10 ans seulement dans la première loi en France sur le droit d’auteur) garantissait l’équilibre du système et faisait en sorte que le monopole temporaire reconnu à l’auteur restait l’exception par rapport au domaine public, qui était l’état « naturel » de la création et de la connaissance.
Extrait de « Tales from the public domain : Bound by law »
La dérive du droit d’auteur au cours des 19ème et 20ème siècle, avec l’extension continue de la durée des droits, a provoqué une forme d’expropriation du domaine public au profit d’acteurs (de plus en plus éloignés des auteurs) qui ont pu accaparer cette valeur à titre exclusif. La situation est si dégradée actuellement que par le biais du copyfraud, le domaine public fait l’objet d’attaques répétées qui en réduisent continuellement l’étendue et la portée. Pour reprendre les mots de Proudhon, l’Humanité s’est fait déshériter de ce qui lui appartenait. Disney par exemple a pu puiser sans vergogne dans le fonds des contes du domaine public pour bâtir son succès, mais il a exercé par la suite un lobbying extrêmement puissant pour étendre la durée des droits par le Mickey Mouse Act et neutraliser ainsi le domaine public pendant des décennies aux Etats-Unis. Ainsi fut brisé un élément fondamental du Contrat Social.
Entre les défenseurs du domaine public et ceux du revenu de base, on retrouve donc cette même idée que chaque génération contribue par sa créativité propre à enrichir le patrimoine commun de l’Humanité, mais qu’aucune d’entre elles, ni aucun groupe ou individu en son sein, ne peut prétendre s’arroger une propriété définitive sur ces richesses. Ce principe de justice temporelle est très bien exprimé par Stéphane Laborde, auteur d’une Théorie Relative de la Monnaie, par le biais du concept d’un flux temporel humain, dont on doit prendre conscience pour comprendre pleinement la philosophie du revenu de base :
[…] la tentation est grande pour les vivants de s’arroger des droits de propriété excessifs sur l’espace de vie, violant ainsi les libertés de leurs successeurs. L’histoire est pleine de ces violations des principes fondamentaux, qui conduisent inévitablement à des insurrections à terme.
Le domaine public exprime l’idée que nous possédons tous à titre collectif des droits positifs sur la Culture, comme le dit Philippe Aigrain. Pour compenser la spoliation dont nous faisons l’objet du fait de la propriété intellectuelle, il est juste que chacun reçoive à vie un revenu de base pour assurer sa subsistance et lui permettre de participer à son tour à la création.
Le mensonge fondamental de la propriété intellectuelle. Le droit d’auteur ne protège pas les générations futures, mais au contraire, il permet aux générations présentes de prendre en otage celles du futur (Extrait de « Tales from the Public Domain. »)
Sans revenu de base, pas de véritable domaine public ?
Si le domaine public, entendu comme bien commun de la connaissance, peut être considéré comme un fondement possible pour le revenu de base, on peut se demander si l’inverse n’est pas également vrai : l’instauration du revenu de base ne doit-elle pas être considérée comme la condition d’existence d’un véritable domaine public ?
Cette idée, a priori assez surprenante, a été récemment formulée par l’auteur et blogueur Thierry Crouzet, dans un billet intitulé : « Le revenu de base comme jardin d’Eden« . Dans ce texte, Thierry Crouzet interpelle différentes communautés : développeurs de logiciels libres, militants des biens communs, adeptes du crowdfunding, etc, pour essayer de leur faire prendre conscience qu’aucune modification en profondeur du système n’est possible, tant qu’un revenu de base n’est pas instauré.
Paradis. Lucas Cranach. Domaine public. Source : Wikimedia Commons.
Concernant le logiciel libre par exemple, il tient ces propos, assez décapants :
Sans monnaie libre reposant sur un revenu de base, il ne peut exister de logiciel réellement libre. Sans monnaie libre, les développeurs dépendent pour leur subsistance d’une monnaie privative telle que l’euro. Une économie du partage n’est possible que grâce à des monnaies équitablement partagées, et crées. La priorité de tous les développeurs devrait être de mettre au point la technologie ad hoc, plutôt que de perdre du temps à cloner des produits commerciaux.
Et il ne se montre pas plus tendre avec le crowdfunding par exemple :
Cette technique de financement par le don communautaire restera marginale. Elle profite avant tout aux créateurs de plateformes, qui ponctionnent les échanges, et qui dans leur plan marketing se pressent de mettre en évidence quelques success-stories. Mais une société ne repose pas que sur des stars. Son économie doit profiter à tous. Le crowdfounding n’a aucune chance de fonctionner à grande échelle dans un système monétaire reposant sur la rareté.
A la fin de son billet, il ajoute un passage, qui fait le lien avec le domaine public, en appelant ces différentes communautés à agir de concert :
Communiquer est le maître mot. Et il faut commencer, dès à présent, entre des acteurs de champs encore disjoints, mais qui n’engendreront des transformations profondes que les uns avec les autres. Pas de libre, de domaine public, de gestion sereine des biens communs, sans revenu de base et réciproquement. S’enfermer, refuser la transversalité, c’est encore une fois se condamner et faire le jeu des apôtres de la rareté.
A la première lecture, ce point de vue peut paraître difficilement compréhensible, car le domaine public semble exister indépendamment du revenu de base. Au bout d’une durée de principe de 70 ans après la mort de leur créateur, les oeuvres entrent automatiquement dans le domaine public, revenu de base ou pas.
Mais peut-on dire encore que le domaine public existe réellement aujourd’hui, autrement que comme un concept théorique ? Comme j’ai eu l’occasion si souvent de le déplorer, il est extrêmement difficile de trouver du domaine public « à l’état pur », réellement réutilisable sans restrictions, notamment sous forme numérique. L’essentiel des acteurs impliqués dans la numérisation du patrimoine, qu’ils soient privés comme Google ou publics, comme les musées, bibliothèques ou archives, profitent du passage sous forme numérique pour faire renaître des droits sur le domaine public, ce qui équivaut à une forme d’expropriation conduisant morceau par morceau au démantèlement de la notion.
Philippe Aigrain explique pourquoi ces comportements privateurs pervertissent complètement le sens de l’acte de numérisation :
Ce n’est que dans un univers totalement absurde qu’un simple transfert ou une capture numérique aboutirait à une résultat qui lui ne serait pas dans le domaine public. Le coût de la numérisation ou les précautions nécessaires n’y changent rien. Au contraire, c’est lorsqu’une œuvre a été numérisée que la notion de domaine public prend vraiment tout son sens, puisqu’elle peut alors être infiniment copiée et que l’accès ne fait qu’en augmenter la valeur. L’acte de numérisation d’une œuvre du domaine public est un acte qui crée des droits pour tout un chacun, pas un acte au nom duquel on pourrait nous en priver.
Même à la Bibliothèque numérique du Vatican. Un gros filigrane en travers des manuscrits numérisés. Copyright All Right Reserved… Tu ne voleras point…
Les seules structures qui respectent intrinsèquement l’intégrité du domaine public ne sont ni privées, ni publiques. Elles sont du côté des communautés attachées à la construction et au maintien de biens communs numériques. Il s’agit de projets portés par des organisations à but non lucratif, comme la fondation Wikimedia, Internet Archive ou le projet Gutenberg, qui s’attachent à diffuser la connaissance sans l’encapsuler sous de nouvelles couches de droits.
Or ces structures, si l’on observe bien leurs principes de fonctionnement, ne peuvent développer leur action que si des communautés d’individus décident de contribuer bénévolement à leurs projets, en y consacrant de leur temps et de leurs compétences. Ces organisations restent donc dépendantes d’une économie de la contribution, qui ne pourra véritablement exploser que si les individus sont à même de consacrer leur temps libre aux causes qu’ils soutiennent. Et c’est ici que l’on retombe sur le revenu de base, car c’est sans doute la seule solution pour permettre à ces structures de passer à l’échelle en ce qui concerne la numérisation du domaine public. Pourtant la technologie permettrait sans doute déjà de décentraliser l’effort de numérisation au sein de petites unités, travaillant de manière collaborative, sur le modèle des FabLAbs ou des HackerSpaces.
En l’absence d’une telle réforme de grande ampleur, des organisations comme la fondation Wikimedia, Internet Archive ou le projet Gutenberg sont condamnées à n’avoir qu’une action à la marge, certes utile, mais insuffisante pour modifier le système en profondeur. Leurs moyens financiers restent tributaires des dons que les individus peuvent leur verser ou des dotations de grandes entreprises-mécènes, ce qui les maintient dans la dépendance du système global.
En ce qui concerne le domaine public, l’action de ces structures est bien entendu fondamentale, mais l’essentiel de l’effort de numérisation lui-même reste le fait des Etats ou s’opère de plus en plus dans le cadre de partenariats public-privé. Avec la crise financière que nous traversons, de moins en moins d’Etats seront enclins à consacrer des fonds à la numérisation de leur patrimoine. S’ils le font, ils chercheront à mettre en place des retours financiers, en portant atteinte à l’intégrité du domaine public. Et les partenariats public-privé conduiront également à un résultat désastreux, comme l’a bien montré l’exemple catastrophique de la BnF. Le secteur public, tout comme le privé, est imprégné d’une logique propriétaire, qui le transforme en un danger mortel pour le domaine public lorsqu’il oublie le sens de sa mission.
Pour sortir de la spirale actuelle, il faudrait que les actes de numérisation eux-mêmes puissent être pris en charge par des structures dédiées à la production de biens communs de la connaissance. Certains envisagent la mise en place de Partenariats Public-Communspour remplacer les partenariats public-privé et il s’agit sans doute d’une idée féconde à creuser. Internet Archive prend déjà en charge une partie de la numérisation des oeuvres du domaine public, tout comme les communautés d’utilisateurs dans le cadre du projet Gutenberg ou de Wikisource transcrivent collaborativement les textes anciens. Mais les résultats atteints aujourd’hui correspondent seulement à une portion limitée, comparé à la masse des oeuvres du domaine public qu’il resterait à faire passer sous forme numérique.
Seul un passage à l’échelle de l’économie de la contribution permettrait à de tels partenariats Public-Communs d’émerger, mais on voit mal comment cela pourrait être possible sans l’avènement d’un revenu de base.
Domaine public et revenu de base : deux exemples de recoupements
Deux exemples récents semblent assez révélateurs des limites du système actuel et de la nécessité de coupler le combat pour la défense du domaine public à celui en faveur du revenu de base.
Le mois dernier, la fondation Internet Archive a par exemple annoncé qu’elle allait désormais rémunérer certains de ses employés en BitCoins et l’organisation a appelé à ce qu’on lui verse des dons dans cette monnaie alternative. Cette évolution est très intéressante, car elle montre comment une structure tournée vers la gestion d’un bien commun numérique peut tirer partie d’un système de monnaie décentralisée comme Bitcoin.
Bitcoin constitue un dispositif de création monétaire en P2P qui montre qu’une monnaie peut émerger en dehors de l’action des Etats. Acceptée par WordPress et même par des marchands de pizzas, elle peut être vue comme une brique intéressante pour bâtir uneéconomie des biens communs. Mais beaucoup d’observateurs, dont Stéphane Laborde et Stanislas Jourdan que j’ai déjà cités plus haut, mettent en garde contre le fait que le projet BitCoin possède beaucoup de défauts et n’est qu’une sorte de succédané à un revenu de base, qui ne peut être assis que sur une monnaie libre. Pour un acteur comme Internet Archive, BitCoin peut constituer temporairement un appoint en complément des dons classiques qu’il reçoit. Mais fondamentalement, une telle structure aurait bien plus intérêt à ce qu’un revenu de base soit instauré.
Un autre exemple tiré de l’actualité récente met en lumière également le lien entre le domaine public et le revenu de base. L’Open Knowledge Foundation a lancé en 2011 un projet excellent intitulé The Public Domain Review. Il s’agit de favoriser la redécouverte de trésors du passé numérisés, par le biais d’articles de présentation. Cette démarche de médiation est cruciale pour faire en sorte de replacer les oeuvres du domaine public sous les feux de l’attention, en les réinjectant dans les flux et les réseaux. De ce point de vue, le travail accompli par The Public Domain Review est remarquable, mais il n’est bien sûr pas gratuit et l’initiative n’a pu se lancer que grâce au financement initial par une fondation.
Arrivé au bout de ce premier apport, The Public Domain Review est contraint de lancer un crowdfunding pour pouvoir continuer à exister. Le site a besoin de 20 000 dollars pour tenir jusqu’en 2014 et il fait appel à la générosité des internautes pour pouvoir rassembler cette somme. Sans doute, The Public Domain Review va-t-il réussir à atteindre cet objectif, mais comme le dit plus haut Thierry Crouzet, le crowdfunding n’est pas une solution miracle. Dans une société sans revenu de base, il ne peut avoir qu’un impact marginal, puisque les capacités de financement des individus restent toujours limitées par la rareté de la monnaie.
Le travail d’éditorialisation accompli par The Public Domain review est intéressant, mais il ne représente qu’une goutte d’eau par rapport à l’océan des oeuvres du domaine public qu’il faudrait mettre en valeur. Si le revenu de base existait, les individus disposeraient d’une marge de manoeuvre beaucoup plus grande pour financer de tels projets par le biais du crowdfunding ou pour y contribuer directement en donnant de leur temps. Sans cela, l’action n’est-t-elle pas condamnée à rester symbolique ?
Extension du domaine de la lutte
Cette réflexion sur les liens entre le revenu de base et le domaine public me paraît fondamentale.
Jusqu’à présent, je me suis battu pour le domaine public essentiellement sur un plan légal. J’ai proposé en ce sens une Loi pour le Domaine Public, qui aurait pour effet d’empêcher que des enclosures ne soient posées sur ce bien commun de la connaissance. Une telle réforme aurait à n’en pas douter un effet bénéfique de protection, mais il est clair que ce combat ne peut se limiter au seul terrain du droit et qu’il faut le croiser avec d’autres, pour qu’émergent les conditions de possibilités d’un passage à l’échelle de l’économie collaborative.
Récemment, j’ai participé à un atelier organisé par Hack Your Phd et Without Model autour du thème « Quel modèle économique pour une bibliothèque libre et ouverte ? ». L’exercice était intéressant, mais il a surtout montré deux choses. Si l’on veut que le résultat de la numérisation reste bien libre et ouvert, en respectant l’intégrité du domaine public, il faut que les Etats en assument le financement sans demander de contreparties, ce qui est problématique dans le contexte actuel. L’autre voie consiste à faire appel aux contributions volontaires, mais en l’état, elles paraissent insuffisantes au regard de la tâche immense à accomplir. La Bibliothèque libre et ouverte se heurte à une impasse.
Jusqu’à présent, je restai assez dubitatif concernant l’idée d’un revenu de base, car je pensais qu’il fallait nécessairement que ce soit les Etats qui le mettent en place, et les chances qu’un tel projet soit voté me paraissaient infimes. Une initiative citoyenne européenne en faveur du revenu de base a cependant été lancée en janvier 2012 et elle vient de recevoir le feu vert de la Commission européenne pour récolter un million de signatures.
Mais l’exemple de BitCoin prouve que les Etats peuvent en fait être contournés, par l’émergence d’une monnaie complètement décentralisée et créée entre pairs. Stéphane Laborde a lancé un projet nommé OpenUDC, qui permettrait de mettre en place un dividende universel sur la base d’une monnaie véritablement libre.
Pas de revenu de base sans domaine public, mais pas de domaine public sans revenu de base. C’est la conclusion à laquelle j’arrive et il est sans doute temps d’étendre le domaine de la lutte…
Le Conseil de l’Europe ouvre le débat sur le revenu de base
Fin février, le Conseil de l’Europe organisait une grande conférence sur le thème « Pauvreté et Inégalités dans les pays des droits humains : le paradoxe des démocraties ». Rassemblant plus de 400 personnes de 55 pays différents pendant deux jours, le programme a octroyé une belle place à l’idée du revenu de base inconditionnel. Tentative de synthèse.
Il faut bien l’admettre : nous étions sceptiques en arrivant dans le quartier européen de Strasbourg. Invités par le Conseil de l’Europe à discuter de pauvreté et d’inégalités, comment ne pas craindre de participer à une énième conférence sur la pauvreté où la solution phare du revenu de base serait encore une fois passablement éludée ? Nous avons eu plaisir à nous tromper : le revenu de base était bien au programme, et pas qu’un peu.
« Déstigmatiser les politiques de lutte contre la pauvreté, c’est notre message aujourd’hui »
Dès les premières minutes de son allocution d’ouverture, la grande organisatrice de l’événement, Gilda Farrell, mettait les pieds dans le plat :
Comment pouvons nous envisager une sortie à cette situation s’il n’y a pas de discussions entre nous sur l’allocation universelle, le salaire minimum garanti ou d’autres mesures à imaginer ensemble pour éviter les stigmatisations et activer le potentiel créatif de chacun ?
Ancienne commissaire européenne, et chef de la Division pour le développement de la cohésion sociale du Conseil de l’Europe, c’est Gilda Farrell qui a tout fait pour que le revenu de base sorte du milieu académique et fasse partie des thèmes phares de cette conférence. Plus de deux ans de préparation pour réunir politiques, économistes, ONG, activistes et pour mettre en avant les sujets des biens communs, du gaspillage et du revenu de base dans le débat public. Un soutien de poids qui explique probablement pourquoi des avocats phares du revenu de base faisaient partie des intervenants à la tribune de cette conférence : Guy Standing, Louise Haagh, Yannick Vanderborght, Jean-Paul Brasseur du mouvement belge Vivant, ou encore Magdalena Sepulveda (la fameuse rapporteur de l’ONU qui a récemmentpressé le gouvernement namibien de remettre à jour l’idée d’un revenu de base national).
Gilda Farrell a même eu la gentillesse de nous accorder une interview vidéo :
Une proposition officielle du Conseil de l’Europe
Cette bonne volonté affichée des membres du Conseil de l’Europe ne sont pas que des mots lâchés en l’air. Elle est gravée dans le marbre du « guide méthodologique » produit par le Conseil de l’Europe et distribué en version provisoire aux participants. Ce document de 200 pages accorde une double page au revenu de base dont voici un extrait :
L’instauration d’un revenu de base – réclamée aujourd’hui par de nombreux jeunes européens y compris les jeunes diplômés, afin de pouvoir se consacrer à des activités citoyennes et faire face à la précarisation des conditions de travail – permet d’avoir accès à un revenu autorisant une vie digne même lorsque l’on perd son emploi ou traverse une période difficile, sans devoir patienter plusieurs mois avant de toucher une première allocation ni avoir à supporter des procédures longues ou des traitements humiliants.
Le document ne s’avance pas sur des modalités d’application particulière d’un revenu de base, mais avance que « le revenu de base [versé] en espèce doit être combiné avec un revenu de base en nature« . Il fait également référence à une résolution de 2010 du parlement européen demandant l’étude de la faisabilité d’un revenu de base inconditionnel en Europe, ainsi que la proposition de mise en place d’un « eurodividende » par Philippe Van Parijs.
Guy Standing : « le monde change »
La première matinée a ainsi été marquée par une percutante intervention de Guy Standing (voir la vidéo ici), en grande forme comme à son habitude. Co-fondateur du Basic Income Earth Network (BIEN) et auteur d’un ouvrage phare Le Précariat, Standing a dénoncé les politiques des 30 dernières années, non pas en raison de la dérégulation des marchés mais surtout, de la rerégulation des politiques sociales, qui sont toujours plus sévères à l’encontre des personnes précaires, allant selon ses mots jusqu’à « indiquer aux gens comment se comporter ou ne pas se comporter », et dressant des barrières toujours plus infranchissables autour de l’accès aux aides sociales. Évidemment, Guy Standing en appelle à un revenu de base comme un droit fondamental.
Revenu minimum ou revenu de base ?
Deuxième jour, et Louise Haagh, autre intervenante très remarquée en session plénière (voir la vidéo ici), affirme à son tour la nécessité d’un revenu de base pour garantir les droits fondamentaux. L’universitaire, professeur à l’université de Cork (Angleterre), a également expliqué le lien entre revenu de base et biens communs : avec un revenu de base, les citoyens seront moins apeurés, penseront différemment, et cela favorisera les initiatives visant à protéger les biens communs.
Plus tard dans la matinée, et tandis que Stanislas était sur le plateau de la chaîne de télé locale Alsace 20 pour parler de notre initiative citoyenne européenne, un atelier avec pour thème « Le revenu de base et l’accès à des ressources financières » réunissait un panel de spécialistes dont Jean-Paul Brasseur du mouvement Vivant Europe, qui défend le revenu de base en Belgique et au sein de l’ICE, Hugo Mattei, professeur de droit international et comparatif, Bernard Bayot, président de l’European Financial Inclusion Network, Yannick Vanderborght, membre du comité exécutif du BIEN, et James Henry, membre du Tax Justice Network.
Ce dernier a démontré de manière flagrante que ce ne sont pas les milliards qui manquent pour financer des politiques sociales, pour peu que l’on se donne les moyens de combattre l’évasion fiscale. Ensuite, alors que d’autres intervenants semblaient ignorer les principes d’universalité et d’inconditionnalité du revenu de base, Jean-Paul Brasseur a pu défendre largement tous les avantages du revenu de base dans un contexte de blocage du modèle socio-économique existant.
Maintenir le système actuel c’est préparer sa faillite.
— Jean-Paul Brasseur
Selon la vision du Mouvement Vivant, le revenu de base financé par TVA (pdf) permettrait consécutivement de relancer le marché de l’emploi par l’allègement des charges sur le travail, en réorganisant complètement le reste de la société : liberté d’entreprendre, stabilisation du pouvoir d’achat des peuples. Le revenu de base serait « une bonne mesure pour contrecarrer les cycles économiques » résume Jean-Paul Brasseur. Il termine son intervention en insistant sur l’inconditionnalité, en rappelant qui serait inconcevable d’en revenir aux méthodes du 19ème siècle – lorsque les dames patronnesses distribuaient la soupe populaire seulement aux ouvriers qui allaient à la messe …
Le revenu de base est l’une des propositions du Conseil de l’Europe pour faire face à la crise.
Malgré cet argumentaire percutant, une autre approche est souvent opposée au revenu de base : celle du revenu minimum. Souvent perçue comme moins « utopiste », la voie du revenu minimum est notamment défendue par le réseau anti-pauvreté EAPN. À la différence du revenu de base, le revenu minimum n’est pas inconditionnel. Il s’agirait en fait d’élargir le concept du RSA à l’ensemble de l’Europe en instaurant le revenu minimum à 60 % du revenu médian de chaque pays.
Dans la mesure où certains pays comme la Grèce, la Hongrie ou l’Italie n’ont pas de revenu minimum, cette voie est souvent perçue comme plus urgente et réaliste pour soulager la situation de nombreuses personnes à court terme.
Au final, il émerge des discussions que les deux approches vont dans le même sens : le revenu minimum est une approche davantage court-termiste tandis que le revenu de base est l’ambition de long terme partagée par beaucoup. L’ensemble des intervenants a souligné que l’accès direct à des ressources financières était le meilleur moyen de résoudre les problèmes d’inclusion, de respect des droits et de pauvreté. Des mots même de Fintan Farrell, directeur de l’EAPN, il faut faire « front commun entre revenu de base, revenu minimum et salaire minimum ». Des conclusions que Yannick Vanderborght a assez bien résumées lors de la séance plénière de clôture (23ème minute) :
Le revenu de base continue certes à être perçu pour beaucoup comme une idée très radicale, voire utopiste. Malgré tout, le fait qu’une institution comme le Conseil de l’Europe prenne au sérieux cette proposition est un signe encourageant. Comme le disait Guy Standing en conclusion de son intervention en plénière : « Avant les gens nous riaient au nez, mais maintenant le monde change ».
Le problème fondamental des monnaies centrales qui sont créées par l’émission de dettes est le privilège de la création monétaire donné exclusivement à des banques, organisées en cartel autour d’une banque centrale.
Création monétaire exclusive par la dette: l’économie au service des banques
Une banque privée, lorsqu’elle vous accorde un prêt de 100 000 euros crée cette somme à partir de rien, dans son livre de comptes: ce qu’un prix Nobel d’économie comme Maurice Allais a appelé la magie du crédit. La banque inscrit 10 000 euros sur votre compte qui est la colonne “passif” de la banque. Elle inscrit aussi 10 000 euros dans la colonne “actif” de son bilan comptable car vous lui devez maintenant 10 000 euros sous forme de prêt (sans compter les intérêts). Son bilan reste équilibré: le tour est joué ! Les remboursements qu’elle reçoit au titre du prêt viennent en déduction graduelle de la création monétaire initiale.
Il y a bien sûr des limites dites “prudentielles” à cette création monétaire “ex nihilo” qui sont normalement imposées par la banque centrale pour éviter que trop de monnaie circule ce qui aurait pour effet de provoquer une inflation des prix. En gros, on impose à la banque de ne pas créer plus de 25 fois ses propres réserves de monnaie.
On voit bien que, sans cette limite, les prêts seraient de plus en plus hasardeux, de moins en moins remboursés et qu’ainsi la monnaie centrale en circulation seraient dévaluée: elle apparaitrait pour ce qu’elle est vraiment c’est à dire une monnaie fictive dont la création est réservée à un lobby bancaire qui a mis l’économie en coupe réglée à son seul profit. Les banques sont d’ailleurs le seules sociétés privées aujourd’hui à pouvoir pratiquer le “mécénat” ou l’auto-promotion télévisée.
Le probème n’est pas tant la création de monnaie par la dette que l’attribution de ce seigneuriage aux seules banques: pourquoi est ce que chacun ne pourrait pas, au moins une fois dans sa vie, créer une dette pour réaliser son projet ? Si le sujet n’est même pas débattu c’est que les tenants du vrai pouvoir ne veulent pas d’un débat aussi dévastateur pour leurs privilèges. Le bénéfice économique serait pourtant considérable car les énergies et les talents sont aujourd’hui bridés par le carcan d’un système monétaire unique et obsolète.
Avec Bitcoin, la création monétaire se fait dans une transaction particulière dite “transaction de génération” qui figure en haut de chaque nouveau bloc de transactions validées par le réseau. 50 nouveaux Bitcoins sont donc créés à chaque nouveau bloc inscrit dans l’historique partagé des transactions bitcoin. Le “privilège ” de mettre à jour l’historique et de recevoir ces 50 bitcoins s’obtient par un tirage au sort mathématiquement vérifiable entre tous ceux qui participent à la validation des transaction bitcoins. Plus la contribution en puissance de calcul est grande plus les chances de gagner sont élevées. Il y a là une démocratisation du privilège de création monétaire qui devient accessible, au prix d’un équipement informatique, à un nombre de participants beaucoup plus large qu’avec une monnaie centrale.
Selon le protocole Bitcoin, l’historique des transactions est mis à jour par un nouveau bloc de transactions, périodiquement, toutes les 10 minutes en moyenne. Initialement fixé à 50 bitcoins par bloc, le montant des transactions de génération sera divisé par deux, périodiquement, tous les 210 000 blocs, c’est à dire tous les quatre ans environ. Il passera ainsi de 50 à 25 bitcoins en décembre 2012. On obtient ainsi pour représenter la création monétaire bitcoin une courbe asymptotique, d’allure logarithmique, avec une asymptote à 21 million.
Si la quantité de bitcoins créés dans chaque nouveau bloc est divisée par deux tous les 210 000 blocs et si la valeur initiale de la récompense a été fixée à 50 bitcoins, la quantité Qn de bitcoins créée au bout de n fois 210 000 blocs s’écrit:
Qn = 210 000 x ( 50 + 50/2 + 50/4 +…50/2n-1)
= 210 000 x 50 x (1 + 1/2 + 1/4 + ….+1/2n-1)
= 21 000 000 x (1 – 1/2n)
Le terme entre parenthèse s’appelle une série géométrique de raison 1/2 dont la valeur tend vers 1 par valeurs inférieures quand n tend vers l’infini. Ainsi Qn tend vers 21 millions par valeurs inférieures quand n tend vers l’infini.
Courbe de création monétaire des bitcoins
On aurait pu aussi imaginer une même asymptote avec une courbe en S telle que
P(t)= 1/(1+e-t).
Je reviendrai sur la création monétaire des bitcoins dans un prochain post.
Connivences entre lobbys américains et députés européens sur le dos des citoyens
Les lobbys ont toujours tenté d’influencer les politiques. Mais lorsqu’il s’agit de lobbyistes américains qui arrivent à faire passer mot pour mot certains textes de loi en Europe avec la complicité de nos députés, il y a d’autant plus de quoi s’interroger que cela va dans le sens des entreprises US et non du citoyen européen.
Heureusement que nous avons désormais des sites qui permettent de mieux connaître le comportement individuel des députés et leurs éventuelles « sources d’inspiration ». Heureusement aussi que nous avons des structures comme la Quadrature du Net qui tente tant bien que mal d’agir et veiller au grain. Mais la vigilance reste de mise.
Protection des données dans l’Union Européenne : Les amendements proposés, écrits par des lobbyistes américains
Il devient évident que le lobby autour des directives européennes sur la protection des données est l’un des plus intenses lobbys jamais rencontrés, certains activistes ont déclaré que le phénomène était même pire que durant le projet de loi ACTA, alors que du côté des États-Unis, le bruit court qu’une guerre commerciale est sur le point d’être lancée si la loi est voté sous sa forme actuelle.
Etant donné la pression exercée pour affaiblir la protection de notre vie privée, une question-clé est : qui défend nos intérêts ?. La réponse évidente serait les députés européens, puisqu’il s’agit de nos représentants élus au Parlement Européen. Leur travail consiste précisément à nous représenter et dans ces circonstances particulières et à nous défendre. Et certains, tel le député européen Vert, Jan Albrecht, font probablement de leur mieux, comme j’ai pu l’écrire dans un billet précédent. Mais qu’en est-il du reste ? Que font-ils exactement ?
Dans le passé il était impossible de répondre à cette question, mais grâce aux miracles de la technologie moderne, et à l’avènement de l’ouverture des données qui permettent l’accès à toutes sortes d’informations. Il est désormais possible d’obtenir une vision claire de ce que font nos représentants européens.
Un nouveau site a été créé, il porte le nom plutôt lourd de LobbyPlag(NdT : Association des mots lobby et plagiat). Aussi disgracieux, que son nom puisse être, ce site ne décrit pas moins une vérité choquante : les députés européens proposent des amendements sur le projet de loi sur la protection des données qui reprennent mot pour mot les propositions des lobbyistes. En tout état de cause, ce qui est inquiétant ici n’est pas le plagiat, mais plutôt le fait que les mesures destinées à protéger les populations européennes soient supprimées ou altérées par les mêmes personnes que nous avons élues pour nous défendre.
Voici par exemple, un paragraphe important sur le fichage. On peut lire, sur la version originale :
Chaque personne physique (NdT : every natural person) doit avoir le droit de ne pas être soumis à une mesure entraînant des effets juridiques relatifs à cette personne physique particulière ou l’atteignant de manière significative, dès lors qu’elle se base uniquement sur un traitement automatisé ayant pour but l’analyse ou la prédiction de certains aspects personnels en lien avec cette personne physique, en particulier, l’efficacité au travail, la situation financière, la localisation, la santé, les préférences personnelles, la fiabilité, ou le comportement de cette personne physique.
Mais la Chambre de Commerce américaine, cette célèbre organisation européenne, n’aimait pas cette version et a souhaité la changer en :
Une personne concernée par la collecte des données (NdT : a data subject) ne doit pas faire l’objet d’une décision injuste ou discriminatoire uniquement basée sur le traitement automatisé ayant pour but l’évaluation de certains aspects personnels liés à cette personne.
Ce qui est sensiblement différent car on supprime ici un droit important.
Or quel texte a été proposé par des députés européens dans pas moins de trois commissions ? Le voici :
Une personne concernée par la collecte des données ne doit pas faire l’objet d’une décision injuste ou discriminatoire uniquement basée sur le traitement automatisé ayant pour but l’évaluation de certains aspects personnels liés à cette personne.
Ce qui correspond donc mot pour mot à la demande de la Chambre de Commerce américaine.
Voici un exemple explicite, issu d’une section extrêmement récente, rédigée par des députés européens, on peut y lire ce qui suit :
La personne responsable est supposée avoir accompli les obligations en exergue dans le paragraphe 1,lorsqu’il s’agit de choisir un organisme certifié de manière autonome ou ayant obtenu une certification, un sceau ou marqué comme étant conforme aux articles 38 ou 39 de ce Réglement, démontrant l’implémentation de normes techniques et de mesures organisationnelles appropriées en réponse aux exigences mises en exergue dans ce Règlement.
Ce qui rend la certification autonome quasiment suffisante pour les services de cloud computing. Alors, d’où vient ce texte sinon d’une modification précise suggérée par Amazon ?
La personne responsable est supposée avoir accompli les obligations en exergue dans le paragraphe 1,lorsqu’il s’agît de choisir un organisme certifié de manière autonome ou ayant obtenu une certification, un sceau ou marqué, démontrant l’implémentation de normes techniques et de mesures organisationnelles appropriées en réponse aux exigences mises en exergue dans ce Règlement.
Ce qui donc, par une autre extraordinaire coïncidence, est quasiment identique à ce que des députés européens ont choisi comme une très bonne idée.
LobbyPlag fournit une analyse intéressante sur le pourcentage d’amendements proposés avec du contenu repris des lobbyistes. Ci-dessous les chiffres pour les députés anglais calculés par le site :
Giles Chichester (giles.chichester@europarl.europa.eu): amendements repris des lobbys : 10 sur 44 (22.73%)
Malcolm Harbour (malcolm.harbour@europarl.europa.eu): amendements repris des lobbys : 14 sur 55 (25.45%)
Sajjid Karim (sajjad.karim@europarl.europa.eu): amendements repris des lobbys : 13 sur 55 (23.64%)
Emma McClarkin (emma.mcclarkin@europarl.europa.eu): amendements repris des lobbys : 1 sur 8 (12.50%)
Malheureusement, à l’heure actuelle, aucun de ces députés européens ne me représente donc je ne pourrais pas les contacter. Mais si l’un de vos députés apparaît, ils ont le devoir de vous répondre donc peut-être que vous devriez leur envoyer un courriel et leur demander pourquoi ils ont proposé ces amendements qui sont repris mot-à-mot ou presque d’entreprises américaines et de lobbyistes et que cela nuira à la population européenne tout en bénéficient à ces mêmes entreprises américaines.
Vous pourriez leur demander qui ils pensent représenter réellement : vous et 500 millions citoyens européens dont les impôts paient leurs salaire, qui s’élève actuellement à 80.000 £ par an (NdT : 93 000 € environ) ou alors, une poignée d’entreprises américaines ayant pour but de nous spolier notre vie privée pour pouvoir devenir encore plus riche ?
Si jamais vous recevez un réponse intéressante, merci de me l’envoyer àglyn.moody(AT)gmail.com que je puisse la partager avec mes lecteurs. Je suis certain que les explications seront passionnantes.
Nous ne sommes pas des criminels et nous sommes de plus en plus nombreux à rejoindre les rangs de l’armée d’Aaron Swartz.
Le 24 janvier dernier s’est déroulée une émouvante cérémonie à la mémoire d’Aaron Swartz, dans ce lieu hautement symbolique qu’est l’église de San Francisco qui abrite l’Internet Archive.
Carl Malamud – 24 janvier 2013 – PublicRessource.org (Traduction : brandelune, aKa, Lamessen, KoS, Pouhiou, Garburst, Luc, Tr4sK, Astalaseven)
Ne croyez pas un instant que le travail d’Aaron sur JSTOR était l’acte incohérent d’un hacker solitaire, un peu fou, un téléchargement massif un peu dingue décidé sur un coup de tête.
Depuis longtemps, JSTOR a fait l’objet de critiques cinglantes de la part du net. Dans une conférence, Larry Lessig a qualifié JSTOR d’outrage à la morale et je dois vous avouer qu’il me citait. Nous n’étions pas les seuls à attiser ces flammes.
Emprisonner la connaissance derrière des péages, en rendant les journaux scientifiques accessibles uniquement à quelques gamins suffisamment fortunés pour aller dans des universités de luxe et en demandant vingt dollars par article pour le reste d’entre nous, était une plaie purulente qui choquait beaucoup de gens.
De nombreux auteurs de ces articles furent gênés que leur travail soit devenu la marge de profit de quelqu’un, un club privé du savoir réservé à ses adhérents.
Beaucoup d’entre nous ont aidé à attiser ce feu. Beaucoup d’entre nous s’en sentent coupables, aujourd’hui.
Mais JSTOR n’était qu’une des nombreuses batailles. On a essayé de dépeindre Aaron comme un hacker solitaire, un jeune terroriste à l’origine d’un carnage numérique qui fit 92 millions de dollars de dégâts.
Aaron n’était pas un loup solitaire, il faisait partie d’une armée, et j’ai eu l’honneur de m’engager à ses côtés pendant une décennie. De nombreuses choses ont été dites sur sa vie hors du commun, mais ce soir je ne parlerai que d’un aspect de celle-ci.
Aaron faisait partie d’une armée de citoyens qui pensent que la démocratie ne fonctionne que si les citoyens sont informés, s’ils connaissent leurs droits et leurs devoirs. Une armée qui estime que nous devons rendre la justice et le savoir accessibles à tous, et pas uniquement à ceux qui sont bien nés ou qui ont saisi les rênes du pouvoir, afin que nous puissions nous gouverner de manière plus éclairée.
Aaron faisait partie d’une armée de citoyens qui rejette les rois et les généraux et qui croit au consensus général et à son application pratique immédiate.
Nous avons travaillé ensemble sur une douzaine de bases de données gouvernementales. Lorsque nous travaillions sur quelque chose, les décisions n’étaient pas irréfléchies. Notre travail prenait souvent des mois, parfois des années, parfois même une décennie, mais Aaron Swartz n’a pas eu droit à sa part de décennies.
Longtemps, nous avons observé et bidouillé la base de donnée du droit d’auteur américain, un système si vieux qu’il utilisait encore WAIS. Le gouvernement , croyez-le ou non, avait revendiqué le droit d’auteur sur cette base de données du droit d’auteur. Il m’est impossible de concevoir qu’il puisse y avoir des droits d’auteur sur une base de données qui découle directement de la constitution des États-Unis, mais nous savions que nous jouions avec le feu en enfreignant les clauses d’utilisations. Nous étions donc très attentifs.
Nous avons récupéré ces données. Elles ont été utilisées pour alimenter l’Open Library d’Internet Archive ainsi que Google Books. Puis, nous avons reçu une lettre du Bureau du droit d’auteur indiquant qu’il abandonnait son droit d’auteur sur cette base de données. Mais avant cela, nous avons dû consulter de nombreux avocats par crainte que le gouvernement nous traîne devant les tribunaux pour téléchargement massif, malveillant et prémédité.
Ce n’était pas une agression irréfléchie. Nous travaillions sur les bases de données pour les améliorer, pour aider au fonctionnement de notre démocratie, pour aider notre gouvernement. Nous n’étions pas des criminels.
Lorsque nous avons libéré 20 millions de pages de documents de l’U.S District Court de leur péage à 8 cents par page, nous avons découvert que ces fichiers publics étaient infestés d’atteintes à la vie privée : noms de mineurs, noms d’informateurs, dossiers médicaux, dossiers psychiatriques, rapports financiers, des dizaines de milliers de numéros de sécurité sociale.
Nous étions des lanceurs d’alerte et nous avons transmis nos résultats aux juges en chef de 31 cours de justice de district et ces juges ont été choqués, consternés. Ils ont modifié ces documents puis ont incendié les avocats qui les avaient remplis. Finalement, la Conférence judiciaire a changé ses règles de respect de la vie privée.
Mais savez-vous ce qu’ont fait les bureaucrates qui dirigent le Bureau Administratif de la Cour des États-Unis ? Pour eux, nous n’étions pas des citoyens ayant amélioré les données publiques, nous étions des voleurs qui les privions d’1,6 millions de dollars.
Ils ont donc appelé le FBI et ont dit qu’ils avaient été hackés par des criminels, une bande organisée qui mettait en péril leur revenu de 120 millions de dollars provenant de la vente de documents publics du gouvernement.
Le FBI s’est installé devant la maison d’Aaron. Il l’ont appelé et ont essayé de le piéger pour qu’il les rencontre sans son avocat. Le FBI a installé deux agents armés dans une salle d’interrogatoire avec moi pour nous faire avouer les dessous de cette conspiration présumée.
Mais nous n’étions pas des criminels, nous étions seulement des citoyens.
Nous n’avons rien fait de mal. Ils n’ont rien trouvé. Nous avions fait notre devoir de citoyen et l’enquête du gouvernement n’a rien trouvé de répréhensible mais ce fut une perte de temps et d’argent.
Si vous voulez faire peur, faites asseoir quelqu’un avec deux agents fédéraux pendant un moment et vous verrez la vitesse à laquelle son sang se glace.
Il y a des gens qui affrontent le danger tous les jours pour nous protéger — les policiers, les pompiers et les services d’urgence — je leur en suis reconnaissant et je suis ébahi par ce qu’ils font. Mais le travail des gens comme Aaron et moi, faire des DVD et faire tourner des scripts shell sur des documents publics, ne devrait pas être une profession dangereuse.
Nous n’étions pas des criminels, mais des crimes furent commis, des crimes contre l’idée même de la justice.
Quand la procureure fédérale a dit à Aaron qu’il devrait plaider coupable de treize crimes pour avoir tenté de propager le savoir avant qu’elle ne puisse envisager de négocier sa peine, c’était un abus de pouvoir, une utilisation frauduleuse du système de justice criminelle, un crime contre la justice.
Et la procureure fédérale n’a pas agi seule. Elle fait partie d’un groupe dont l’intention est de protéger la propriété, pas les gens. Tous les jours, partout aux États-Unis, des démunis n’ont pas accès à la justice et sont confrontés à ces abus de pouvoir.
C’était un crime contre le savoir qu’une organisation à but non lucratif telle que JSTOR transforme un téléchargement qui n’a causé aucun préjudice ni dommage, en une procédure fédérale de 92 millions de dollars.
Et le monopole de JSTOR sur la connaissance n’est pas unique. Partout aux États-Unis, des sociétés ont planté leurs griffes sur les champs de l’éducation : universités privées qui volent nos vétérans, organismes de normalisation à but non lucratif qui rationnent les codes de sécurité publique alors qu’ils payent des salaires d’un million de dollars, et les conglomérats multinationaux qui évaluent la valeur des articles scientifiques et des documents juridiques à l’aune de leur marge brute.
Dans le procès JSTOR, la position plus qu’agressive des procureurs du Département de la Justice et des agents de la force publique était-elle une vengeance liée à l’embarras de nous avoir vu nous tirer à bon compte, en tout cas à leur yeux, de l’affaire du PACER ? Est-ce que la poursuite sans merci de JSTOR était la revanche de bureaucrates embarrassés d’avoir été ridiculisés dans le New York Times, d’avoir reçu un blâme du Sénat ?
Nous n’aurons probablement jamais la réponse à cette question, mais il semble certain qu’ils ont détruit la vie d’un jeune homme par simple abus de pouvoir. Ce n’était pas une question criminelle, Aaron n’était pas un criminel.
Si vous pensez posséder quelque chose et si je pense que ce bien est public, il me semble juste de vous voir au tribunal. Si vous avez raison et que je vous ai fait du tort, je prendrais mes responsabilités. Mais quand nous retournons le bras armé de la Loi contre les citoyens qui contribuent à accroître l’accès à la connaissance, nous brisons l’esprit de la loi, nous profanons le temple de la justice.
Aaron Swartz n’était pas un criminel. C’était un citoyen et un soldat courageux dans une guerre qui continue aujourd’hui, une guerre dans laquelle des profiteurs corrompus et vénaux essayent de voler, de profiter, d’assécher notre domaine public au profit de leurs gains privés.
Quand des gens essaient de restreindre l’accès à la loi, ou qu’ils essaient de collecter des droits de péage sur les routes du savoir, ou refusent l’éducation à ceux qui n’ont pas de moyens, c’est eux qui devraient subir le regard sévère d’un procureur outragé.
Ce que le Département de la justice a fait endurer à Aaron pour avoir essayé de rendre notre monde meilleur, ils peuvent vous l’infliger. Notre armée n’est pas réduite à un loup solitaire, elle est forte de milliers de citoyens, beaucoup d’entre vous dans cette pièce, qui se battent pour la justice et le savoir.
J’affirme que nous sommes une armée, et je mesure bien l’usage de ce mot car nous affrontons des personnes qui veulent nous emprisonner pour avoir téléchargé une base de données afin de l’examiner de plus près, nous affrontons des personnes qui croient qu’ils peuvent nous dire ce que nous pouvons lire et ce que nous pouvons dire.
Mais quand je vois notre armée, je vois une armée qui crée au lieu de détruire. Je vois l’armée du Mahatma Gandhi marchant pacifiquement vers la mer pour récolter du sel pour les gens. Je vois l’armée de Martin Luther King marchant pacifiquement mais avec détermination sur Washington pour réclamer ses droits, car le changement ne coule pas de source, il provient de luttes continues.
Quand je vois notre armée, je vois l’armée qui crée de nouvelles opportunités pour les pauvres, une armée qui rend notre société plus juste et plus égalitaire, une armée qui rend le savoir universel.
Quand je vois notre armée, je vois les gens qui ont créé Wikipédia et l’Internet Archive. Je vois ceux qui ont programmé GNU, Apache, BIND et Linux. Je vois ceux qui ont fait l’EFF et les Creative Commons. Je vois les gens qui ont créé notre internet en tant que cadeau au monde.
Quand je vois notre armée, je vois Aaron Swartz et j’ai le cœur brisé. Nous avons vraiment perdu l’un de nos anges gardiens.
J’aimerais que nous puissions changer le passé, mais c’est impossible. Par contre, nous pouvons changer le futur, et nous le devons.
Nous le devons à Aaron, nous nous le devons à nous-mêmes, nous le devons pour rendre notre monde meilleur, en faire un lieu plus humain, un endroit où la justice fonctionne et où l’accès à la connaissance est un droit de l’Homme.
Si tout le monde rêve d’avoir de l’argent, force est de constater que le mot a pris une connotation très péjorative dans notre société. Est-il pire insulte que « riche » alors que « pauvre » porte la compassion ?
Pourtant, l’argent est un outil particulièrement utile. C’est une manière très efficace de rétribuer ou de récompenser quelqu’un pour un travail, un service ou n’importe quelle autre occasion. Lorsque notre mamy-gâteau nous donnait une pièce en nous disant « Va t’acheter des bonbons », elle exploitait au mieux le concept d’argent : nous pouvions en effet décider d’acheter des bonbons, un jouet ou économiser pour un nouveau vélo. Bref, nous étions libres.
À ce titre, l’argent est extrêmement libérateur. C’est également un merveilleux incitant si on estime que quelqu’un est rémunéré à hauteur de son talent. Un artiste va essayer de faire une très belle œuvre, un travailleur va faire de son mieux si il a des envies qui nécessitent de l’argent. Au contraire, une personne peut décider de travailler moins. C’est pour cette raison que je soutiens particulièrement des solutions comme Flattr : elles permettent d’offrir de l’argent à ceux dont nous apprécions le contenu.
Ici, la moitié de mes lecteurs bondiront sur leur chaise en me traitant d’ultra-capitaliste et m’enverront des photos d’enfants qui meurent de faim avec des mouches collées sur les yeux pour me prouver combien je suis ignoble, combien l’argent pervertit tout.
Mais le problème, ce n’est pas l’argent : c’est le fait que la manière la plus simple de gagner de l’argent est… d’avoir de l’argent.
Tant que l’argent est un incitant à produire quelque chose d’utile à la société, il est bénéfique. Aujourd’hui, il n’est malheureusement plus possible de devenir réellement riche par son travail. Toutes les grosses fortunes se basent sur la spéculation, la bourse et tous ces outils financiers qui permettent de gagner beaucoup d’argent sans avoir la moindre utilité vis-à-vis de la société.
Le capitalisme s’est toujours réfugié sous la notion de « risque » pris par les investisseurs. Le bénéfice serait donc une récompense sur la prise de risque. Le fait qu’une prise de risque puisse être rémunérée est sujet à discussion. Mais prenons-le comme acquis.
Si je participe, avec mille personnes, à une loterie dont le premier prix est la cagnotte globale, ma chance de gagner est de une sur mille et mon gain est de mille fois ma mise. On constate donc que mon gain est directement proportionnel à mon risque, ce qui semble intuitivement juste et se pratique dans les casinos ou sur les champs de courses.
Mais si la cagnotte est augmentée via l’argent issu du travail d’autres personnes, si plusieurs tickets sont marqués gagnants à un certain degré, mon gain augmente et mon risque diminue. Mieux : grâce à des algorithmes très puissants et très rapides, je peux déterminer quels sont les tickets les plus gagnants et les acheter/revendre en une fraction de seconde. À ce stade, mon risque devient virtuellement nul pour peu que j’aie assez d’argent pour spéculer dans plusieurs loteries à la fois.
Plus on a d’argent, plus il est facile d’en gagner sans rien faire d’utile.
L’expression « faire travailler son argent » signifie, en réalité, faire travailler ceux qui remplissent la cagnotte pour laquelle je me suis contenté d’acheter un ticket.
Ce simple constat augure d’une crise très profonde au sein de la société. Les riches ne peuvent que devenir plus riches. C’est mécanique, inéluctable dès qu’ils passent le stade où ils sont en mesure de payer des financiers compétents pour s’occuper de leur patrimoine.
Réfléchissons une seconde : qu’ont fait pour nous ces investisseurs, ces traders, ces financiers, ces géants bancaires ? En quoi nous sont-ils utiles ? Trouvons-nous normal qu’ils gagnent des milliers de fois plus que tout les services qui nous sont utiles ou agréables au quotidien ?
Mais même à court terme, l’effet financier est délétère. En effet, les acheteurs du ticket de loterie certifié gagnant exige toujours plus de cagnotte, toujours plus de gain. Cette vision à très court terme empêche toute stratégie, tout développement correct. À tel point que des entreprises géantes, comme Dell, annoncent se retirer de la bourse.
L’argent est un magnifique outil pour récompenser ceux qui nous sont utiles et qui nous font plaisir. Tentons tout simplement de leur faire parvenir directement cet argent, sous forme deFlattr, de bitcoins, de dons, de paiements directs tout en évitant autant que possible la nuée de sangsues qui n’ont rien fait pour nous si ce n’est acheter un ticket le loterie…
Monnaie Libre reçoit dans cet épisode (du 20 février 2013) le blogueur Thierry Crouzet, ingénieur, journaliste, auteur à répétition d’essais, de nouvelles et de romans traitant d’internet, de la complexité, de la liberté. En 2012 il avait débranché. En 2013 il revient plus branché que jamais et vient de commettre un post percutant « Le revenu de base comme jardin d’Éden » dans lequel il explique sa vision du code monétaire privateur comme incompatible avec un code monétaire libre, et il cite en exemple le projet OpenUDC.
L’émission nous entraîne ainsi dans la discussion sur les codes démocratiques, les travaux d’Etienne Chouard, les évolutions des communautés des logiciels libres, les modes de gouvernance, mais aussi les semences végétales privatrices, et plus généralement les points aveugles irréductibles inhérents aux systèmes complexes. Un feu d’artifice avec toute l’énergie voulue !