Réflexions sur l’économie de l’essaim à venir

Réflexions sur l’économie de l’essaim à venir

Le modèle industriel d’une carrière avec un seul et même employeur à vie est en train de mourir. Il ne reviendra pas. Le premier indice était le passage du mariage à vie à un poste vers son équivalent «monogamie en série», où l’on change de boulot tous les trois ans maximum. L’étape suivante du changement, qui se déroule déjà de nos jours, c’est quand les gens ont plus d’un emploi (ou ce qui équivaut à un emploi) en même temps : c’est un changement majeur de la société, où les gens vont jongler entre cinq et dix projets à la fois, certains pour le plaisir, certains pour gagner sa croûte, parfois pour les deux. J’ai appelé ça l’émergente économie de l’essaim.

L’économie de l’essaim ne traite pas des petits détails de notre actualité. Ce n’est pas à propos de bitcoin. Ce n’est pas à propos de la fraude dans le système bancaire, ce n’est pas à propos des échanges de fichiers en pair-à-pair, ce n’est pas à propos du revenu de base. Pas pris à part, en tout cas. L’économie de l’essaim c’est tout ces sujets combinés, et bien bien plus.

Nous voyons déjà comment les gens ont des projets persos à côté de leur emploi (unique), ainsi que des projets qui de temps en temps vont et viennent dans la vie de quelqu’un alors qu’ils changent de travail et de situations personnelles. Avec l’augmentation de la connectivité, on peut s’attendre à ce que cette tendance s’accéléré jusqu’au point où la plupart des gens auront cinq a dix projets en cours, certains payés et d’autres non, plutôt que d’avoir un travail «quotidien».

Cette évolution – passer d’un emploi par personne à cinq à dix projets par personne – change fondamentalement plus la société que quelqu’un qui «fasse un extra» ou «ait deux boulots». C’est une fin précise à l’économie industrielle. Voici quelques changements que cela implique, tous pouvant déjà être observés ici ou là dans le secteur informatique:

  • La fin des lieux de travail fixes. Les gens travailleront où ils voudront, typiquement depuis des cafés ou autres tiers-lieux. «Aller au bureau» n’existera plus comme un concept, à l’exception de quelques services à la personne.
  • La fin des horaires de travail. Les gens ne travailleront plus non seulement d’où ils veulent, mais aussi quand ils le veulent – ou en concordance avec l’équipe sur un projet commun. Les fuseaux horaires s’assureront qu’il n’y aura pas d’horaires de bureaux puisque les gens coopéreront depuis l’Europe, l’Amérique du Nord et du Sud, la Chine, l’Inde, l’Australie, et ainsi de suite, tous au même moment.

Il y a bien plus de conséquences similaires telle que la disparition des «boulots d’une journée». Cela signifie une décentralisation massive de la prise de décision pour soutenir l’économie – voilà pourquoi je la nomme économie de l’essaim. C’est intéressant de la comparer aux concepts antérieurs.

Le capitalisme, quand il fonctionne, est supposé distribuer les ressources de manière optimales grâce à la décentralisation des décisions. Diverses formes de corruption ont détourné des lois et des marchés qui se nomment eux-mêmes capitalistes mais qui concentrent les ressources là où elles sont déjà rassemblées – «rendant le riche plus riche», et faisant du capitalisme un mot détestable – mais dans mon esprit, au moins l’idée de décision décentralisée résonne fortement avec les idéaux pirates.

Toutefois, le modèle capitaliste a échoué à prédire ce qui s’est déjà produit. Dans un modèle capitaliste, Linux et Wikipédia – 10 000 volontaires qui s’unissent pour créer un produit de manière bénévole, et où le produit est si incroyablement bon qu’il dépasse les meilleures alternatives commerciales – n’arrive simplement pas. Mais ça s’est déjà produit. C’est possible dans la pensée de l’économie de l’essaim.

En même temps, l’entrepreneuriat est une valeur très forte dans les idéaux pirates. Nous apprenons en faisant et ne demandons par la permission quand nous décidons d’arranger quelque chose. Nous attendons des gens de prendre des initiatives de leur propre gré s’ils sont insatisfaits par quelque chose, et nous voulons promouvoir cette prise de risque.

Nous savons que la communauté ne fait pas que tolérer la prise de risque mais en plus la promeut activement, est la communauté qui sort par le haut. Par contraste, une communauté ou une société où les gens ne peuvent pas se permettre de perdre leur position actuelle est une communauté sans entrepreneurs et sans innovation.

Cela mène à l’argument le plus logique pour le Revenu de Base Universel jamais trouvé : la société dans sa globalité bénéficie d’un environnement favorisant la prise de risque. Et, si vous pouvez proposer un mécanisme où chacun peut tester n’importe quelle idée idiote de commerce sans risquer de s’endetter ou de devenir SDF, plus de gens innoveront et prendront des risques… ainsi la société utilisant ce mécanisme aura un avantage compétitif.

J’imagine un Revenu de Base Universel qui remplacerait tous les minima sociaux, un revenu inconditionnel, qui suffirait à la location d’un T1, dans la banlieue proche d’une ville qui en vaille la peine, ainsi qu’aux frais de nourriture et au minimum nécessaire pour démarrer leur nouvelle entreprise. Imaginez un gros bouton rouge de «réinitialisation économique», qui permettrait de repartir à zéro suite à l’échec du lancement d’une startup. Vous vous retrouvez dans un studio, à portée de navette d’une métropole, en conservant l’équipement nécessaire pour vous lancer sur votre projet suivant, prêt à repartir sur les chapeaux de roue. De plus, rien n’empêcherait deux ou plusieurs personnes de rassembler leur revenu de base, pour améliorer par exemple leur cadre de vie, etc… En pur bonus, ce combat pour une compétitivité à long terme résoudrait également un certain nombre de problèmes sociaux, tels que celui des sans-abris. (Les lecteurs de Reddit savent que l’on peut être sans domicile fixe un an ou deux, et se relever, parfois en lançant une société prospère.)

Ces mécanismes (la faillite personnelle et la sécurité sociale) existent déjà en substance. Le RBUrendrait plus simples et rapides les processus permettant le retour à la création d’entreprise.

L’on peut se demander si le Parti Pirate, et si ces observations et tendances sont une politique de gauche ou de droite. Mais c’est sans intérêt : l’échiquier gauche-droite est basé sur l’économie industrielle, or ces idées se basent sur l’observation que l’économie industrielle se dissout. Cela n’a aucun sens d’essayer de placer les conséquences du système émergent à l’intérieur du modèle qu’il remplace et rend obsolète.

Malgré ce, on peut observer que ces idées sont au moins compatibles avec le libre marché capitaliste et avec le socialisme, avec une préférence pour un marché fort et non-régulé et de très forts avantages sociaux. Néanmoins la base de nos convictions ne sont ni le «marché libre» de l’ère industrielle ni le «modèle social» de l’ère socialiste : c’est l’idéal de «décentralisation des décisions» du logiciel libre associé à l’idéal de «promotion de la prise de risque et optimisation pour la compétitivité» de l’open-source. Il se trouve qu’ils partagent les mêmes champs politiques, mais viennent de convictions entièrement différentes basées sur l’économie de l’essaim et non sur l’économie industrielle.

Évidemment, beaucoup d’intérêts investis résisteront à ce changement. Les syndicats de travailleurs, en particulier, le détesteront malgré le fait qu’enfin cela «libère le travailleur des menottes du capital», comme ils le diraient dans leur idéologie. La raison pour laquelle les syndicats de travailleurs le combattront bec et ongles, c’est que ce changement les rendra instantanément obsolètes. Lors des dernières décennies leur propre pouvoir leur est devenu plus important que de parvenir leurs buts.

Voyons si les Canutes contemporains peuvent ordonner à la marée de ne pas monter.

>>> Source sur : http://politiquedunetz.sploing.fr/2013/09/reflexions-sur-leconomie-de-lessaim-a-venir/

>>> Ecrit par  Falkvinge / traduit par  Amok, Farlistener, Pouhiou et VictorToulouse

Comment le Bitcoin peut faire tomber les États-Unis d’Amérique

Comment le Bitcoin peut faire tomber les États-Unis d’Amérique

Un peu d’économie sur le Framablog aujourd’hui, avec le pirate Rick Falkvinge qui voit dans la monnaie Bitcoin une alternative à la fictive toute-puissance du dollar.

Zcopley - CC by-sa

Comment le Bitcoin peut faire tomber les États-Unis d’Amérique

How Bitcoin can bring down the United States of America

Rick Falkvinge – 4 juin 2013 – Site personnel
(Traduction : Slystone, nhrx, letchesco, Asta, Gatitac, rou + anonymes)

Le Bitcoin représente une menace importante pour la domination monétaire des États-Unis, la seule chose qui conforte encore leur statut de superpuissance mondiale. Suite aux défauts de paiement des États-Unis sur leurs emprunts internationaux le 15 août 1971, la balance commerciale américaine avait été maintenue grâce aux menaces militaires et en incitant les gens à acheter des dollars pour financer la consommation permanente des États-Unis. Alors que d’autres devises n’ont pas réussi à dépasser le dollar américain, et donc ce mécanisme qui maintient la dominance économique de la nation, le Bitcoin pourrait bien y parvenir.

Pour comprendre ce scénario, il faut saisir à quel point les États-Unis sont en faillite. Pour certaines raisons, la plupart des feux de l’actualité sont actuellement braqués sur l’échec de l’Euro ; ceci probablement à cause du fait que le dollar américain a échoué depuis longtemps, et qu’il est maintenu sous perfusion en faisant éclater non sans mal une bulle spéculative par jour. Une version ELI5 est disponible ici (NdT : ELI5 : « explain it like I’m five », expliquez-le-moi comme si j’avais 5 ans), mais en un mot, les États-Unis sont en défaut de remboursement de leurs emprunts internationaux suite à la guerre du Viêtnam, et depuis ont dû emprunter de plus en plus pour financer leur consommation extravagante. Depuis bien longtemps ils empruntent toujours plus, pour simplement rembourser les intérets des emprunts antérieurs. L’an dernier, le déficit du budget des États-Unis a atteint le niveau astronomique de 50 % — pour chaque dollar de recette, deux ont été dépensés. Étrangement, peu de monde en parle — j’imagine que si c’était le cas, la capacité des États-Unis à rembourser leurs emprunts serait remise en question, ce qui provoquerait l’écroulement du château de cartes comme si une tonne de briques était déversée dessus, alors personne n’a intêret à faire des vagues. Après tout, tout le monde est assis sur des réserves de dollars qui deviendraient sans valeur du jour au lendemain si ceci devait arriver.

Les États-Unis ont relancé leurs planches à billets le 15 août 1971 et ne les ont pas arrêtées depuis. Rien que pour l’année 2011, 16 mille milliards (un 16 suivi de douze zéros) de dollars ont été imprimés pour maintenir l’économie américaine. Pour se faire une idée, c’est un peu plus que le produit intérieur brut des États-Unis. Pour chaque dollar produit à partir de la valeur (ajoutée), un dollar supplémentaire a été imprimé à partir de rien, dans l’espoir que quelqu’un voudrait bien l’acheter. Et les gens l’achètent ! C’est un fait, il y a ici un mécanisme clé qui force les gens à continuer à acheter des dollars américains.

Les États-Unis sont maintenus en vie en tant que nation par le fait que si quelqu’un souhaite acheter des produits à une autre nation comme la Chine, il doit d’abord acheter des dollars américains puis les échanger contre la marchandise qu’il désire en Chine. Cela conduit tous les pays à acheter des tas de dollars américains pour remplir leurs réserves monétaires.

Le fait que les gens soient obligés de continuer d’acheter des dollars américains pour obtenir ce qu’ils veulent de n’importe qui d’autre dans le monde est le mécanisme qui maintient l’ensemble de l’économie américaine et, plus important encore, alimente son armée qui applique à son tour ce mécanisme (voir en IrakLibyeIran, etc.). C’est un cycle de domination économique imposé par la force.

(À noter que l’on peut se demander dans quelle mesure la classe moyenne américaine profite encore de ce système. Il y a dix ans, cette boucle auto-alimentée faisait que le niveau de vie moyen aux États-Unis était sensiblement supérieur à celui du reste du monde occidental. De nos jours, les États-Unis arrivent souvent derniers des indicateurs de niveau de vie.)

Puisque les articles sur « la fin du monde » sont d’habitude rejetés comme relevant d’illuminés conspirationnistes, je voulais commencer cet article en présentant des faits économiques reconnus. Les États-Unis sont en faillite et la seule béquille pour les maintenir debout est leur armée, ainsi que le fait que tout le monde a de lourds investissements dans le pays, si bien que personne ne veut les voir faire faillite. Donc les emprunts et les dépenses excessives continuent une journée de plus… jusqu’à ce que cela ne soit plus possible.

Que se passerait-il si les États-Unis étaient un jour incapables de poursuivre leurs dépenses démesurées ? On assisterait à un crash gigantesque de l’économie mondiale, mais plus important, les États-Unis s’effondreraient à la mode soviétique, mais plus gravement encore, en raison de différences structurelles. (Pour comprendre ces différences, réfléchissez au fait que les transports publics ont continué de fonctionner pendant l’effondrement soviétique et que la plupart des familles étaient déjà bien préparées pour faire face à la pénurie de nourriture. Aux États-Unis vous verriez à la place des gens isolés dans des banlieues sans carburant, sans nourriture ni médicaments, avec seulement plein d’armes et de munitions. Consultez l’étude d’Orlov sur l’écart entre les effondrements et le retard d’effondrement pour plus d’informations sur cette différence structurelle).

Arrivent les Bitcoins, qui peuvent briser le cercle vicieux des emprunts et des dépenses excessives.

Comme nous l’avons vu, la raison pour laquelle les gens sont obligés d’acheter du dollar américain, c’est qu’il est la base du système d’échange de valeur. Si vous voulez un gadget fabriqué en Chine ou en Inde, vous devez d’abord acheter des dollars américains, pour ensuite échanger ces dollars contre le gadget. Mais nous l’avons observé, le Bitcoin dépasse de loin le dollar sous tous ses aspects en tant que gage de valeur pour le commerce international. Utiliser des Bitcoins c’est moins cher, plus facile et bien plus rapide que les actuels transferts de valeur internationaux.

Pratiquement toutes les personnes impliquées dans le commerce international à qui j’ai parlé passeraient à un système semblable à Bitcoin si elles en avaient la possibilité, évacuant des années de frustrations héritées du système bancaire actuel (qui utilise le dollar américain). Si cela arrivait, les États-Unis ne seraient plus en mesure de trouver des acheteurs pour leurs dollars fraîchement imprimés qui maintiennent leur économie (et financent leur armée).

Si ce cycle de monopole et dépendance commerciale du dollar prend fin, les États-Unis d’Amérique s’écrouleront. Lourdement. Cela semble inévitable désormais, et le Bitcoin est peut-être le système qui rompra ce cycle.

>>> Crédit photo : Zcopley (Creative Commons By-Sa)

>>> Source : http://www.framablog.org/index.php/post/2013/06/06/bitcoin-dollar-usa

« Sur la réforme du droit d’auteur », intégralement traduit en Français

« Sur la réforme du droit d’auteur », intégralement traduit en Français

L’ouvrage de référence réalisé par les fondateur et député européen du Parti Pirate est désormais disponible en Français, grâce à une traduction coordonnée par Politique du Netz.

Contrairement à une idée trop souvent répandue, le Parti Pirate ne milite pas pour l’abrogation du droit d’auteur. La jeune formation politique, née en réaction à la multiplication des procès intentés contre les utilisateurs ou créateurs de services de partages de fichiers, demandent une révision du contrat social qui lie la société et les auteurs, avec un rééquilibrage des droits et devoirs de chacun.

En septembre 2011, le fondateur du Parti Pirate suédois, Rick Falkvinge, et le député européen Christian Engström publiaient une somme, The Case For Copyright Reform, dans laquelle ils détaillaient les réformes qu’ils souhaitaient pour modifier le droit d’auteur dans un sens jugé plus optimum pour la société tout entière.

Très riche, l’ouvrage plaide pour la légalisation du partage des oeuvres dans un cadre non-commercial ; pour une durée de protection des oeuvres ramenée à 20 ans à partir de la date de publication, avec obligation d’enregistrer la demande de protection au bout de 5 ans pour assurer l’exclusivité d’exploitation ; pour la reconnaissance d’un droit à l’utilisation gratuite d’extraits, et pour l‘interdiction des DRM. « La question est plus large que celle des revenus des artistes. Il s’agit d’un choix de société (…) Nous avons besoin de changer la direction que prend la législation sur le droit d’auteur pour protéger nos droits fondamentaux. Aucun modèle économique ne vaut mieux que nos droits civiques« , défendent les auteurs. Dans le livre, ils détaillent par ailleurs leur opposition à la licence globale, qu’ils estiment être « une fausse solution pour un faux problème ».

Jusqu’à présent, l’ouvrage n’était disponible qu’en anglais. Mais grâce à la licence Creative Commons by-sa qui le gouverne, trois bénévoles (Xavier Gillard, Loïc Grobol et Étienne Loiseau) ont réalisé une traduction, publiée par Politique du Netz.

L’ouvrage traduit est disponible :

Défaite humiliante et définitive d’ACTA au Parlement européen !

Défaite humiliante et définitive d’ACTA au Parlement européen !

ACTA : Victoire totale pour les citoyens et la démocratie ! nous annonce La Quadrature du Net qui n’est pas pour rien dans ce résultat (et qui mérite notre plein soutien).

Ce n’est qu’un début… mais en attendant, nous nous associons à la joie du moment avec cette traduction du pirate Rick Falkvinge.

ACTA 4th July

VICTOIRE ! ACTA subit une défaite humiliante et définitive au Parlement européen

VICTORY! ACTA Suffers Final, Humiliating Defeat In European Parliament

Rick Falkvinge – 4 juillet 2012 – Site personnel
(Traduction Framalang : Ypll, Goofy, Martin)

Aujourd’hui à 12h56, le Parlement européen avait le choix entre le rejet final d’ACTA et la poursuite de l’incertitude. Par un vote écrasant, 478 à 39, le Parlement a décidé de rejeter ACTA une bonne fois pour toutes. Cela signifie que ce traité trompeur est maintenant mort au niveau mondial.

C’est un jour de fête. C’est le jour où les citoyens d’Europe et du monde ont vaincu les bureaucrates non élus, qui étaient courtisés par le lobby des plus riches entreprises de la planète. Le champ de bataille n’était pas un quelconque bureau dans une administration mais les représentants du peuple – le Parlement européen – qui ont finalement décidé de faire leur travail en beauté, et de représenter le peuple contre les intérêts particuliers.

La route vers cette victoire fut sombre, difficile, et en aucun cas sûre.

ACTA 4th July

Illustration : Le vote final sur ACTA au Parlement européen : 39 pour, 478 contre.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Il y a six mois la situation semblait très sombre. Il semblait certain qu’ACTA passerait en silence et dans l’indifférence totale. Les forces défendant les droits des citoyens ont essayé de le faire passer devant la Cour européenne de justice pour tester sa légalité et pour gagner un peu de temps. Et là, quelque chose s’est produit.

Un monstre du nom de SOPA est apparu aux États-Unis. Des milliers de sites web se sont couverts de noir le 18 janvier et des millions de protestations se sont exprimées, laissant le Congrès en état de choc devant l’ampleur de la colère populaire contre certains intérêts privés. SOPA en est mort.

Dans ce sillage, comme les citoyens s’étaient rendus compte qu’ils n’avaient pas besoin d’accepter de tels abus d’entreprises sans broncher et en tendant l’autre joue, la communauté a braqué ses projecteurs sur ACTA. La lutte a continué en beauté pour vaincre ce monstre. Début février, il y a eu des manifestations dans toute l’Europe, laissant le Parlement européen tout aussi choqué.

Les partis politiques ont changé d’avis et proclamé leur opposition à ACTA en solidarité avec les manifestions citoyennes sur tout le continent, après avoir compris à quel point cette législation étaient commandée sans aucune honte par des entreprises complices qui pensaient que c’était déjà fait. Ils ont essayé, retenté, et forcé jusqu’à aujourd’hui, de reporter le vote d’ACTA pour qu’il se passe dans la plus grande indifférence du public et des activistes.

Hélas, ils ne comprennent pas le Net. Et il y a un point clé ici : le Net n’oublie jamais.

Mais le message à retenir ici, c’est que nous, les activistes, avons fait ça. Tout le monde au Parlement européen se relaie pour rendre hommage à tous les activistes partout en Europe et dans le monde, qui ont attiré leur attention sur le fait que c’était une vraie saleté, que ce n’était pas une proposition à approuver comme les autres, mais en fait une proposition de législation réellement dangereuse. Tout le monde remercie les activistes pour cela. Oui, vous. Vous devriez vous pencher en arrière, sourire et vous filer des tapes dans le dos. Chacun d’entre nous a de très bonnes raisons d’être fier aujourd’hui.

Et maintenant ?

En théorie, ACTA pourrait toujours s’appliquer entre les États-Unis et plusieurs États de plus petite taille. Dix États étaient en négociation, et six d’entre eux doivent le ratifier pour qu’il entre en vigueur. En théorie, cela pourrait devenir un traité entre les États-Unis, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle Zélande, l’Australie et la Suisse. (Mais attendez, le Sénat mexicain a déjàrejeté ACTA. Tout comme l’Australie et la Suisse, en pratique. Eh bien… alors un traité entre les États-Unis et le Maroc, dans l’éventualité peu probable que les États-Unis le ratifient réellement et formellement. Vous voyez l’issue qui se dessine.)

Comme il était expliqué précédemment sur TorrentFreak, sans le soutien de l’Union européenne, ACTA est mort. Il n’existe pas.

Le Commissaire européen responsable du traité, Karel de Gucht, a déclaré qu’il n’allait tenir compte d’aucun rejet et le re-soumettre au Parlement européen jusqu’à son adoption. Cela n’arrivera pas. Le Parlement fait très attention à sa dignité et ne tolère pas ce genre de mépris, heureusement. C’est quelque chose d’assez nouveau dans l’histoire démocratique de l’Union européenne – la première fois où j’ai vu le Parlement se battre pour sa dignité était pour le Paquet Télécom, quand la Commission a pareillement tenté de faire adopter de force la riposte graduée (au contraire, le Parlement a rendu cette riposte graduée illégale dans toute l’Union européenne).

Une bonne partie des dangers d’ACTA reviendra sous d’autres noms. Pour les lobbyistes, c’est le travail de sape ordinaire contre les pouvoirs, jusqu’à ce qu’ils cèdent. Juste un jour de boulot comme un autre. Nous devons rester vigilants contre les intérêts particuliers qui reviendront encore et encore à la charge, jusqu’à ce que nous nous assurions que la route législative leur soit complètement bloquée. Nous devons rester vigilants.

Mais pas aujourd’hui.

Aujourd’hui, nous fêtons un travail extraordinairement bien mené.

Aujourd’hui, le 4 juillet, l’Europe célèbre une journée d’indépendance vis-à-vis des intérêts particuliers américains.

Aujourd’hui, nous avons défendu nos droits les plus fondamentaux contre les géants de l’industrie, et nous avons gagné.

Félicitations à nous tous, et merci à tous les frères et les sœurs sur les barricades, partout dans le monde, qui ont rendu cela possible.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

 

>>> Source sur : http://www.framablog.org/index.php/post/2012/07/04/europe-stops-acta